Ligue arabe. Le sommet de toutes les surprises
Une fois n’est pas coutume, les observateurs internationaux scrutent avec attention les travaux du sommet de la Ligue arabe. Pour ce rendez-vous, “le machin” des arabes, pour parodier la fameuse formule de De Gaulle concernant l’Organisation des Nations unies, a sur la table des dossiers non seulement brûlants d’actualité mais de plus, engageant au plus haut point et définitivement la crédibilité des pays participants.
La question de la Syrie semble avoir été traitée en amont puisque les missi dominici des rois et chefs d’Etat arabes ont réussi à faire revenir dans le giron de l’instance un grand absent : le président syrien Bachar al-Assad qui a fait son grand retour, ce vendredi (19 mai), sur la scène diplomatique arabe lors de ce sommet en Arabie saoudite.
L’organisation panarabe qui avait exclu le régime syrien, fin 2011, pour sa répression du soulèvement populaire, a mis de l’eau dans son vin avant de réintégrer le chef d’Etat syrien, le 7 mai dernier, sous la pression de nombreux chefs d’Etat arabes (dont les Émirats arabes unis qui avaient rétabli leurs liens avec la Syrie en 2018). Le séisme qui a dévasté le 6 février de vastes pans de la Syrie et de la Turquie avait réussi à desserrer l’étau sur Bachar al-Assad. Résultat, non seulement Riyad a rétabli récemment ses relations diplomatiques avec Damas mais son rapprochement avec son grand rival régional l’Iran, allié indéfectible du régime al-Assad, a beaucoup servi à ce dernier.
Maintenant, est-ce que ce sommet va esquisser un semblant de solution pour tous les conflits qui déchirent le monde arabo-musulman ? Rien n’est moins sûr. Les conséquences terribles de la guerre au Yémen, menée injustement par l’Arabie saoudite contre son voisin, le Liban à genoux, économiquement et ayant quasiment perdu sa souveraineté sur son territoire et son espace maritime, la situation chaotique au Soudan, plongé depuis le 15 avril dans une guerre opposant les forces de soutien rapide (FSR) à l’armée régulière, un autre pays complètement oublié, la Somalie, également membre de la Ligue arabe, toujours plongée dans la guerre civile qui a déjà causé plus de 500 000 morts.
Quant aux conflits régionaux, l’activisme de Riyad, pour paraître comme le pays qui a le leadership nécessaire pour débloquer les situations, s’est heurté à l’intransigeance de certains dirigeants comme ceux du régime d’Alger, qui ne veulent pas envisager des relations pacifiques avec le voisin marocain malgré les mains tendues de Rabat.
Cerise sur le gâteau, les Ayatollahs qui viennent de signer la paix avec Riyad sont les mêmes qui offrent un soutien inconditionnel aux groupes armés qui font ce qu’on appelle communément le Front Polisario. Le rapprochement de l’Arabie saoudite avec l’Iran qui n’a jamais caché son hostilité à la cause nationale marocaine, participe à former militairement les milices séparatistes. Le rapprochement du régime des Mollahs avec l’Arabie saoudite pourrait sérieusement écorner les liens solides qui ont été tissés pendant près d’un siècle entre l’Arabie saoudite et le Maroc qui n’a pas hésité à dépêcher le prince Moulay Rachid pour représenter le roi Mohammed VI aux travaux de la Ligue arabe.
Autre décision unilatérale du chef d’État saoudien qui ne fait pas l’unanimité au sein de la Ligue arabe, l’invitation au président ukrainien Volodymyr Zelensky qui est arrivé ce vendredi en Arabie saoudite pour participer au sommet arabe. “Je prendrai la parole au sommet de la Ligue arabe. Je rencontrerai le prince héritier (saoudien) Mohammad ben Salmane et j’aurai d’autres entretiens bilatéraux”, a indiqué sur son compte Telegram M. Zelensky. Selon des sources de l’organisation panarabe, le président ukrainien n’a pas été invité par la Ligue arabe mais par les responsables saoudiens.
Le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed Ben Salmane (MBS), qui a invité le président ukrainien Volodymyr Zelensky à la cérémonie d’ouverture de l’organisation panarabe sans avoir consulté ses pairs au préalable, a-t-il vraiment bien mesuré son geste ou bien n’avait-il pas le choix ? Sachant que la Ligue arabe a toujours voulu rester non alignée dans le conflit qui oppose la Russie et l’Ukraine depuis plus d’une année.
Ainsi, le défi d’instaurer la paix et la stabilité dans le monde arabe en mettant un terme aux ingérences étrangères est grand, et malgré les efforts des émissaires du prince héritier saoudien dans de nombreuses capitales, il n’est pas certain que la Ligue arabe ait au moins des promesses pour mettre un terme à ces conflits qui rongent des Etats membres.
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