Libye. Tripoli replonge à nouveau dans la violence armée
Le chef du pouvoir exécutif à Tripoli, Abdelhamid Dbeibah, a pu parader quelques minutes dans les rues de la ville mardi à la mi-journée, de sorte d’envoyer un message de sérénité à ses troupes et au reste du monde, sans forcément convaincre.
Signe de la difficulté de la brève fanfaronnade, on pouvait entendre le son des tirs à proximité du convoi dans la vidéo publiée par le pouvoir en place à l’ouest libyen. C’est que le gouvernement de Fathi Bachagha, désigné par le Parlement et soutenu par le maréchal Haftar, avait annoncé dans la même journée se retirer de Tripoli, et ce quelques heures après son entrée dans la capitale « pour y débuter ses travaux », en jouant le forcing.
Echange d’intimidations armées
Avant et pendant ce retrait, des affrontements d’une intensité inédite depuis plusieurs mois dans la capitale libyenne ont éclaté entre groupes rivaux armés à l’aube. Au siège du pouvoir exécutif du gouvernement d’Abdelhamid Dbeibah, on affirme ne vouloir remettre le pouvoir qu’à un gouvernement élu.
Or, malgré d’interminables tractations officielles et officieuses, comme récemment à Tunis, aucune des deux parties ne s’accorde sur la tenue d’un scrutin, prétextant des conditions qui demeurent non propices à des élections transparentes.
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Dans un communiqué, le service de presse de ce gouvernement indique que son Premier ministre, Fathi Bachagha, ainsi que plusieurs de ses ministres, ont « quitté Tripoli afin de préserver la sécurité des citoyens ».
Une trêve précaire
Ce matin, des tirs nourris à l’arme lourde persistaient en plein milieu urbain vers 7h00, heure locale. En février, le Parlement siégeant dans l’Est avait pour rappel désigné Fathi Bachagha, ancien ministre de l’Intérieur, comme nouveau Premier ministre. Une instance est soutenue par le puissant maréchal Khalifa Haftar, dont les forces avaient déjà tenté de conquérir la capitale durant de long mois au printemps 2019, en vain.
Formé début 2020, le gouvernement d’Abdelhamid Dbeibah est né d’un processus politique parrainé par l’ONU, avec comme principale mission l’organisation d’élections législatives et présidentielle, initialement prévues en décembre dernier, mais reportée sine die. Mais ses adversaires politiques estiment que son mandat a pris fin avec cet ajournement commode.
D’après des médias libyens, le départ de Fathi Bachagha de la capitale a été décidé lors d’une médiation menée par une brigade de l’armée loyale au gouvernement de Tripoli pour mettre fin aux combats. Cependant cette trêve fragile pourrait n’être qu’éphémère.
Sur Twitter, la conseillère spéciale du secrétaire général de l’ONU pour la Libye, Stephanie Williams, a appelé à la retenue, tout en soulignant « la nécessité absolue de s’abstenir de toute provocation ».
Quant à la Tunisie voisine, le pouvoir de Kais Saïed y observe un prudent silence que certains analystes estiment davantage favorable à Bachtaga qu’un silence non aligné. Fin 2021, Dbeibah avait en effet multiplié les piques en direction de Tunis, ce qui n’a pas aidé à apaiser les relations entre Carthage et Tripoli.