À peine arrivé, le chef du gouvernement d’union soutenu par l’ONU sommé de quitter Tripoli

 À peine arrivé, le chef du gouvernement d’union soutenu par l’ONU sommé de quitter Tripoli

Fayez al-Sarraj


Le chef du gouvernement d'union nationale libyen soutenu par l'ONU est arrivé mercredi à Tripoli, mais les autorités non reconnues de la capitale l'ont aussitôt sommé de partir, un bras de fer qui met en lumière des divisions au sein des autorités contrôlant la capitale et qui fait craindre une escalade de la crise.


 


Des milices armées dans les rues de Tripoli pour contester l’autorité d’Al Sarraj


Quelques heures après l'arrivée de Fayez al-Sarraj, dont le gouvernement est contesté par les deux autorités rivales de l'ouest et de l'est de la Libye, des tirs intermittents dont on ignorait l'origine ont été entendus dans la soirée dans la capitale. Les artères principales ont été bloquées par des membres de groupes armés munis de kalachnikovs, arrivés à bord de véhicules militaires. Pris de panique, les habitants sont vite rentrés chez eux et les commerces et les cafés ont baissé leurs rideaux.


Deux compagnies aériennes libyennes, Afriquiyah Airlines et Libyan Airlines, ont annoncé qu'elles avaient supprimé leurs vols vers Tripoli pour « des problèmes de sécurité ». Dans la soirée, un groupe armé est entré de force au siège d’al-Nabaa, une chaîne satellitaire libyenne proche des autorités qui contrôlent Tripoli, expulsant les employés après avoir suspendu la retransmission, selon deux journalistes de cette chaîne. Selon l’un d’eux, les hommes armés qui ont pris le contrôle de la chaîne « semblent être favorables au gouvernement de Sarraj ».


 


La réconciliation mal partie


La venue de M. Sarraj fait craindre aux habitants de Tripoli des affrontements entre partisans des autorités non reconnues internationalement issues de la coalition de milices à tendance islamiste de Fajr Libya et partisans du gouvernement d'union soutenu par l'ONU. Ce dernier est rejeté aussi bien par les autorités de Tripoli que par ceux installés dans l'Est à Tobrouk, même si certains de leurs membres lui ont apporté leur soutien.


« Ceux qui sont entrés illégalement et clandestinement doivent se rendre ou revenir sur leurs pas", a déclaré dans une allocution télévisée Khalifa el-Ghwell, chef du gouvernement non reconnu, en dénonçant comme « illégal » le gouvernement de M. Sarraj. Le vice-président du parlement non reconnu de Tripoli a quant à lui affirmé que M. Sarraj et les membres du Conseil présidentiel (CP) « sont entrés illégalement » en Libye « avec l'aide de soldats et de quelques traîtres ».


Il a été accueilli à la base navale de Tripoli par des hauts gradés de la marine vêtus d'uniformes bleu foncé et portant des casquettes blanches et des responsables locaux, dont Aref el-Khoja, ministre de l'Intérieur du gouvernement de Fajr Libya, signe d'une division au sein des autorités de Tripoli.


 


La pression internationale sans effet


Dans une brève allocution, M. Sarraj s'est engagé à faire de la « réconciliation » et du « règlement de la crise sécuritaire et économique ». L'ONU, les États-Unis, l'Union européenne, l'Italie et la France ont salué l'arrivée de M. Sarraj, après avoir exprimé pendant des mois leur souhait de traiter avec une autorité unifiée en Libye pour sortir le pays du chaos et faire face à la montée en puissance en territoire libyen du groupe jihadiste État islamique (EI). L'Union européenne a appelé « les institutions et parties prenantes libyennes » à « travailler » avec le gouvernement d'union.


Le gouvernement d'union a été mis en place après un accord politique signé fin 2015 au Maroc, sous l'égide de l'ONU, par des députés des deux Parlements rivaux, et ce, malgré l'opposition des chefs de ces institutions. Pour être officiellement investi, il devait obtenir la confiance du Parlement de Tobrouk. Après plusieurs échecs faute de quorum, l'entrée en fonction du gouvernement a finalement été proclamée le 12 mars sur la base d'un communiqué de soutien publié par une centaine de parlementaires de Tobrouk (sur 198).


Rached Cherif


(Avec AFP)