L’euro à son plus haut depuis 4 ans face au dinar tunisien
En flirtant ces dernières 48 heures avec la barre des 3,4 dinars tunisiens pour 1 euro, la monnaie européenne atteint des niveaux jamais vus depuis début 2019. Correction ou inévitable dévaluation ? Comment expliquer cette tendance haussière record ?
Alors que depuis le conflit russo-ukrainien, tous les regards sont tournés vers l’appréciation sans précédent du dollar US face au dinar, sur la place de Tunis, la monnaie unique européenne s’échange aujourd’hui contre 3.38dt, tandis que le billet vert s’est échangé à 3.25dt.
Pour comprendre cet affolement soudain de la courbe du taux de change, les experts expliquent que sur le marché de change international, les investisseurs opteraient actuellement pour la prudence, dans l’attente de la publication du compte rendu de la dernière réunion de politique monétaire de la Réserve fédérale américaine (Fed), tandis que plusieurs responsables de la Banque centrale ont souligné l’importance de lutter contre l’inflation.
Mais l’euro se stabilise par ailleurs, après la publication des indices PMI (« Purchasing Manager’s Index », indice des directeurs des achats) pour la zone euro, qui fait toujours état certes d’une contraction de l’économie, mais désormais beaucoup moins élevée en novembre qu’en octobre 2022. En clair, résiliente, l’économie européenne patine moins que prévu : elle a en effet pu s’adapter au nouveau contexte géopolitique en assurant ses arrières sur le front énergétique et en relançant la consommation à l’approche des fêtes, même si les chancelleries occidentales sont critiquées pour leur « politique économique des cadeaux fiscaux », faite de compensations ponctuelles destinées aux ménages.
Dépréciation ou dévaluation ?
C’est pourquoi les analystes parlent davantage de « correction » en cours du taux de change du dinar tunisien en l’occurrence, qui avait vu ces derniers mois passer le dollar US pour la première fois devant l’euro, une situation qui a directement impacté les prix des matières premières et produits d’importation achetés en dollar US.
En février 2019, l’euro avait pour rappel atteint son plus haut historique face au dinar tunisien à 3,47dt pour 1 euro. A l’époque, le gouvernement Youssef Chahed mais surtout la Banque centrale tunisienne (BCT) étaient face à un dilemme. Car jusqu’à 2012, la valeur du dinar était déterminée sur la base d’un panier essentiellement composé d’euros et de dollars et où l’euro était prépondérant.
A partir de cette année charnière, la valeur du dinar obéit plus aux forces du marché et est déterminée par la confrontation entre l’offre et la demande des devises par rapport au dinar. Toutefois, la BCT intervenait pour lisser les volatilités. Or, pour défendre la valeur d’une monnaie, l’autorité monétaire devait utiliser les devises, ce qui diminue le stock de réserves de change. Donc, l’arbitrage à faire est : soit défendre le dinar et perdre des réserves de change, soit laisser le dinar flotter et économiser les devises. Le choix impulsé par le Fonds monétaire international et discrètement adopté par la Banque centrale est alors d’économiser les devises au détriment de la stabilité des changes. Face à la demande excédentaire de devises par rapport à l’offre, le gouverneur de la banque centrale doit choisir entre orthodoxie du protectionnisme ou recette plus libérale du FMI.
Nous sommes aujourd’hui dans un scénario similaire. A la différence près que contrairement à la dévaluation d’une monnaie, la dépréciation n’est pas intentionnelle. La dépréciation correspond à une baisse de la valeur d’une monnaie due à une évolution économique défavorable qui peut être observée en suivant les indicateurs économiques. C’est précisément le cas de l’économie tunisienne en profonde crise, qui attend toujours la finalisation de l’obtention de la bouée de sauvetage du FMI prévue pour le mois prochain.
>> Lire aussi : 1,6% de croissance en Tunisie en 2023 selon le FMI