Les mosquées de Cologne silencieuses malgré l’autorisation de l’appel à la prière
À Cologne, le muezzin peut désormais appeler à la prière tous les vendredis. Pourtant, aucun « adhan » ne s’est fait entendre vendredi 22 octobre. Aucune mosquée ne semble vouloir franchir le pas en premier, alors que des voix d’élèvent contre cette perspective.
Depuis début octobre, Cologne est la première grande ville allemande à autoriser l’appel à la prière via les haut-parleurs des mosquées. Mais jusqu’à présent, aucun muezzin n’a fait résonner l’adhan pour appeler les fidèles à la grande prière du vendredi.
« Nous n’avons encore reçu aucune demande d’approbation », a déclaré le 21 octobre une porte-parole de la ville de Cologne au journal allemand Süddeutsche Zeitung. Selon elle, « la plupart des communautés de mosquées n’ont pas de système de haut-parleurs pour cela. » La ville s’attend cependant à plusieurs candidatures. Trois des plus de 40 associations religieuses ont en effet manifesté leur intérêt.
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Les autorités religieuses islamiques avaient salué la décision. L’appel à la prière du vendredi « rend visible le pluralisme religieux en Allemagne. C’est bien pour une ville comme Cologne », a déclaré Bülent Ucar, directeur de l’institut de théologie islamique à l’université d’Osnabrück.
Un appel à la prière pour les musulmans de Cologne
L’élue a rappelé que nombreux musulmans vivent dans sa ville et qu’ils font partie intégrante de la société urbaine. Ajoutant : « quiconque en doute remet en question l’identité de Cologne et notre coexistence pacifique ». Si l’appel du muezzin retentit en plus des cloches de l’église, c’est parce que « la diversité est valorisée et vécue à Cologne », précise Mme Reker. Cologne a en effet accueilli une part importante de l’immigration turque du début des années 60. Aujourd’hui, 120 000 musulmans y sont recensés, soit 12 % de la population.
De plus, ces appels à la prière sont très encadrés. Les congrégations peuvent demander des appels pour la prière du vendredi midi. L’appel à la prière peut retentir entre midi et 15 heures pour une durée maximale de cinq minutes. Par ailleurs, le volume est déterminé en fonction de l’emplacement de la mosquée ; et le quartier doit être informé en temps utile avec des dépliants.
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Mais cette nouveauté ne plaît pas à tout le monde. La maire indépendante de Cologne, Henriette Reker, a justifié son initiative par le respect de la Constitution. Celle-ci prévoit en effet la liberté de pratiquer la religion. Cette liberté « inclut cette possibilité », explique l’édile. Les sceptiques craignent que l’appel à la prière puisse être compris comme une démonstration de force par des associations musulmanes controversées.
Une autorisation polémique
« Cette politique symbolique sert les mauvaises personnes », a critiqué Lale Akgün, l’ancien représentant islamique du groupe parlementaire SPD. Elle a souligné les liens étroits entre certaines associations et le gouvernement turc.
« Cette autorisation représente une victoire d’étape pour l’islam politique en Allemagne », ajoute-t-elle. En effet, le controversé président turc Recep Tayyip Erdoğan avait assisté en personne à l’inauguration à Cologne de la plus grande mosquée d’Allemagne en 2018.
La sociologue Necla Kelek a déclaré à l’agence de presse allemande que seuls ceux qui adhèrent eux-mêmes aux règles sociales peuvent invoquer la tolérance. Elle qualifie notamment d’« archaïque » le fait qu’hommes et femmes prient dans des espaces distincts.
Les Allemands se montrent majoritairement hostiles à la mesure. 61 % d’entre eux sont contre l’autorisation générale de l’appel islamique à la prière, selon une enquête réalisée l’an dernier par l’institut de sciences sociales Insa-Consulere. Cologne n’est pas la première ville allemande à autoriser l’adhan. Dans la mosquée Fatih de Düren, en Rhénanie du Nord-Westphalie, le muezzin appelle trois fois par jour depuis les années 1990.