Les banques veulent-elles se sevrer des hydrocarbures ?

 Les banques veulent-elles se sevrer des hydrocarbures ?

Les plus grandes banques du monde ont continué à investir des centaines de milliards de dollars dans les hydrocarbures malgré leurs engagements. Alexander Pohl / NurPhoto / NurPhoto via AFP

Malgré leur intégration dans des coalitions visant à atteindre la neutralité carbone, les plus grandes institutions financières financent encore de nouveaux projets pétrogaziers, selon un collectif d’ONG. En continuant à prêter des milliards aux géants des hydrocarbures, les banques refusent de quitter un marché aussi juteux que destructeur.

Beaucoup des plus grandes institutions financières ont rejoint des coalitions visant à atteindre la neutralité carbone et le respect de l’Accord de Paris. Environ 550 d’entre elles sont membres de la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (Gfanz). Cette organisation pèse ainsi 150 000 milliards de dollars d’actifs, soit 40 % du total mondial. Or, ces institutions continuent de financer les entreprises pétrolières. Elles lancent même de nouveaux projets pétrogaziers, dénoncent neuf ONG dans une étude publiée le 17 janvier.

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« Entre la date à laquelle chaque banque a rejoint l’alliance et août 2022, les 56 membres les plus importants de l’Alliance des banques pour la neutralité carbone (NZBA) ont apporté en prêts et émissions d’obligations ou d’actions 269 milliards de dollars à 102 grands développeurs d’énergie fossile », souligne dans leur étude les ONG Reclaim Finance, 350.org, BankTrack, Rainforest Action Network, Recommon, Urgewald, Les Amis de la Terre, Sierra Club and Stand Earth.

 

Les banques françaises financent le pétrole à coup de milliards

Les banques françaises contribuent largement à ce total. BNP Paribas, Société Générale et Crédit Agricole arrivent respectivement en 15e, 16e et 17e positions, avec 6 à 7 milliards de dollars de financement.

En tête se trouve le groupe américain Citigroup, avec 30,5 milliards de dollars de financement, suivi de Bank of America (22,8 milliards) et du japonais MUFG (22,7 milliards). Du côté des gestionnaires d’actifs, 58 des plus grands membres de l’alliance détenaient au moins 847 milliards de dollars d’actions et d’obligations dans 201 développeurs d’énergies fossiles, souligne l’étude.

Le problème est qu' »il y a maintenant un accord (sur le fait qu’il) n’y a pas de place dans un scénario à +1,5 degré (d’ici à 2100 comparé à la période préindustrielle, NDLR) pour de nouveaux approvisionnements en combustibles fossiles », a expliqué lors d’une présentation à la presse Paddy McCully, auteur de l’étude et analyste pour Reclaim Finance.

 

Procès du siècle ?

Régulièrement épinglés pour leur soutien au secteur pétrogazier, les acteurs financiers font souvent valoir que leurs financements contribuent à la transition énergétique de ce secteur, et qu’ils financent le monde tel qu’il est.

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Peut-être que la menace de poursuite avancée par le secrétaire général de l’ONU les fera davantage réfléchir. Antonio Guterres a ainsi appelé mercredi à poursuivre les compagnies pétrolières pour avoir caché pendant des années les informations dont elles disposaient sur le réchauffement climatique. Un procès sur le modèle de celui qu’ont infligé plusieurs États américains aux fabricants de cigarettes.

« Certains producteurs d’énergies fossiles étaient parfaitement conscients dans les années 1970 que leur produit phare allait faire brûler la planète », a affirmé le chef de l’ONU au cours d’un discours au Forum de Davos.

« Mais comme l’industrie du tabac, ils ont fait peu de cas de leur propre science », a-t-il ajouté. En 1998, les géants du tabac aux États-Unis avaient accepté de payer 246 milliards de dollars à 46 États afin de couvrir les coûts engagés pour soigner d’anciens fumeurs.

Plus largement, le secrétaire général de l’ONU a fustigé les engagements climatiques « douteux » ou « obscurs » de nombreuses entreprises sur un objectif de zéro émission de carbone: cela « induit en erreur les consommateurs, les investisseurs et les régulateurs avec de faux récits », et ouvre la porte au « greenwashing ».