Législatives. Que gagne le Maroc de cette gifle assénée à Macron ?

 Législatives. Que gagne le Maroc de cette gifle assénée à Macron ?

Photo : Ludovic MARIN / POOL / AFP

Pour comprendre ce qui se passe à l’intérieur d’un pays, rien de mieux que de compulser la presse étrangère. Dans un article intitulé « Il se passe quelque chose d’extraordinaire en France », le New York Times revient sur la gifle assénée sans ménagement à Emanuel Macron par les électeurs aux dernières législatives.

Contrairement à la presse de l’Hexagone qui se concentre plutôt sur le passé de la bérézina, le NYT s’attèle à expliquer les raisons qui font qu’aujourd’hui, le camp Macron qui craint une « paralysie totale » après les législatives sur fond de scénario cauchemar pour le chef de l’État se retrouve dans l’incapacité de mettre en œuvre une politique plutôt ambiguë. « Pendant une grande partie de sa présidence, Emmanuel Macron s’est concentré sur l’extrême droite. A chaque tournant, il cherche à en neutraliser la menace, privilégiant tour à tour certains de ses thèmes de prédilection et se présentant comme le seul rempart possible contre elle », décrypte le quotidien.

Venu au pouvoir par effraction, une première fois, par défaut, une seconde fois, « l’ex-banquier d’affaires » ne fait plus l’unanimité et même chez ses alliés d’hier, y compris dans le clan des puissants. On se demande bien si cet ultra-libéral, qui utilise la logorrhée gauchiste pour séduire la galerie, ne faisait pas carrément fausse route. Résultat, après la déroute du dimanche dernier, le camp Macron ne sait plus sur quel pied danser. Pour le camp présidentiel, c’est une raclée sans précédent : Ensemble! n’a pas obtenu dimanche la majorité absolue espérée. Loin de là ! Les marcheurs et leurs alliés, MoDem et Horizons, comptent 245 sièges, soit une majorité toute relative au Palais Bourbon. De plus, la carte de la recomposition politique a été une fois encore brouillée par le taux d’abstention massive (53,77 %) !

Ceci dit, faut-il se réjouir ou s’alarmer de cette balkanisation du champ politique français où l’alliance de la gauche a néanmoins réussi à tirer ses marrons du feu avec une majorité confortable ? D’une manière générale, les grandes orientations géopolitiques de la France ne sont pas dictées par la majorité gouvernementale autant qu’elles le sont par l’évolution de la mondialisation du moment. Prisonnières d’un prisme colonial, les équipes de Macron n’ont jamais réussi à apaiser les relations avec le Royaume. Beaucoup d’observateurs étrangers ne comprennent pas pourquoi la France, alliée traditionnelle du Maroc, ne s’est pas encore alignée sur la position américaine ou espagnole par la reconnaissance de la marocanité du Sahara.

Bien sûr, le quai d’Orsay, pour qui le monde arabe au regard de la géopolitique n’existe plus depuis le départ de Chirac de l’Élysée, considère désormais « la politique arabe de la France » comme un anachronisme dont il faut se débarrasser au plus vite. Le Maroc, fait partie des dégâts collatéraux de cette nouvelle vision des rapports nord/sud. Pourtant, les intérêts de Paris et ceux de l’élite des affaires françaises sur le sol marocain répondent toujours aux vieux schémas. C’est précisément la manière de gérer ces intérêts qui doit aujourd’hui être repensée de fond en comble.

De toutes les façons, de ce côté-ci de la Méditerranée, on sait d’ores et déjà que le candidat de la NUPES a terrassé la favorite du parti présidentiel, LREM, l’ex-ministre Élisabeth Moreno. Donné favori depuis le 1er tour où il a largement devancé sa rivale de LREM, Karim Ben Cheikh a confirmé sa victoire ce lundi 20 juin dans un tweet à partir de Rabat. Il y remercie notamment l’ensemble des électeurs qui lui ont accordé leur confiance pour siéger au sein de l’Assemblée nationale. Sur le plan franco-français, le nouveau député de la 9e circonscription des Français de l’étranger a annoncé la couleur : « Vous avez exprimé un choix clair pour la justice sociale et la défense de nos services publics. Dès demain, je serai votre voix à l’Assemblée nationale ».

Si les citoyens français attendent du concret de la part de candidats qui ont fait le pari de se mettre du côté de la France d’en bas, ces députés de la gauche, armés d’un solide groupe au parlement, auront-ils les coudées franches pour agir ou du moins faire pression sur Macron pour revenir sur des mesures iniques comme celles de réduire les visas des citoyens nord africains de 50%, voire plus ? Karim Ben Cheikh nous confiait bien il a juste quelques jours de cela que la première mesure qu’il proposerait sera « l’annulation de cette décision injuste qui consiste à punir collectivement une population du Maghreb en réduisant drastiquement les visas ». Dans les colonnes du Courrier de l’Atlas, il nous expliquait « Cela est perçu, et avec raison, par certains, comme une insulte aux populations. Il faut changer de méthode sur les visas. » Espérons que l’avenir lui donnera raison !

Maintenant, il est à craindre que la gauche bénéficiant d’une dynamique puissante et d’un contexte politique inédit, après avoir mis de côté ses divergences pour devenir la principale force d’opposition au Parlement ne cède à ses anciens démons pour ressortir du chapeau sa fameuse haine viscérale traditionnelle de la monarchie marocaine. En attendant que cette forte opposition sache vraiment où se situe ses lignes rouges et ses combats, le Royaume peut toujours compter sur sa baraka. A fortiori si Macron, malgré la main tendue à la gauche, venait une fois de plus à échouer dans ses tentatives de recomposition d’un champ politique voué à une décomposition brutale.

 

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