Le vaccin chinois à l’origine d’un incident médiatique en Tunisie

 Le vaccin chinois à l’origine d’un incident médiatique en Tunisie

Nous évoquions avant-hier le vif débat suscité en Tunisie et ailleurs par l’efficacité du vaccin chinois récemment remise en doute par un cadre médical chinois. S’exprimant hier jeudi autour de cette question polémique, l’une des voix scientifiques les plus en vue en Tunisie s’est vue violemment censurée par une radio du secteur public.   

Invitée par l’émission de la Radio Tunis chaîne internationale (RTCI) « Dans le vif du sujet » diffusée en direct sur les réseaux sociaux, Dr. Samar Samoud, professeur agrégée en immunologie et allergologie, également femme engagée politiquement, intervenait en sa qualité d’experte au sein de l’Institut Pasteur sur la situation épidémiologique dans le pays.

L’entretien ne démarra pas sous les meilleurs auspices : Dr. Samoud affirme que le variant britannique de la Covid-19 « domine dans 400 pays ». Le journaliste Anis Morai la reprend alors : « Il n’y a pas 400 pays ! », rectifie-t-il. « Dans plus de 200 pays, cela est avéré », tente de corriger Samoud, ce à quoi le présentateur répond qu’il existe moins de 200 pays dans le monde.

L’Organisation des nations unies reconnaît 195 pays indépendants, dont ses 193 membres et deux États observateurs permanents (Vatican et Palestine), ainsi que deux États ni membres ni observateurs permanents. Il existe donc au total 197 pays dans le monde.

 

Passe d’armes sur le degré d’efficacité du Sinovac

Si la crédibilité de la scientifique pouvait paraître quelque peu ébranlée par ce faux pas géographique initial, lorsque la question de la hiérarchisation des divers types de vaccins est évoquée, elle est en revanche dans son élément et tient des propos aussi rationnels qu’argumentés.

Elle rappelle ainsi que face au retard pris par les autorités sanitaires en Tunisie en matière d’importation de quantités suffisantes de vaccins, le vaccin Coronavac Sinovac Chine s’est vu octroyer le 4 mars 2021 une autorisation de mise sur le marché tunisien (AMM) « exceptionnelle et provisoire », la Chine n’ayant pas encore publié à ce jour les résultats de la troisième phase des essais cliniques dudit vaccin.

« Je ne peux pas m’exprimer sur l’efficacité du vaccin chinois, les tests étant incomplets. Après la première dose, son efficacité serait de seulement 3%, pour s’élever à un peu plus de 50% suite à la seconde dose, soit le niveau minimum que le Comité scientifique s’était fixé comme condition requise pour l’importation d’un vaccin », explique professeur Samoud.

Réaction véhémente du journaliste : « Vos propos sont dangereux ! » arrête-t-il la scientifique, estimant que ces propos sont de nature à démotiver les citoyens en plein milieu de l’effort vaccinal, sachant que le vaccin a quoi qu’il en soit reçu une homologation en bonne et due forme.

S’en suit une interruption du programme, après laquelle le présentateur s’empresse de contacter un ancien ministre des Transports en guise de droit de réponse quelque peu embarrassé, après que le ton ne soit monté et que la scientifique considère être injustement agressée. « Vous n’allez pas me dire ce que je dois faire ! », peste le journaliste avant d’enjoindre son invitée à quitter le plateau.

Depuis, Anis Morai affirme avoir présenté ses excuses : « Je lui ai expliqué que ce qu’elle a dit était très dangereux et je ne pouvais pas laisser des propos pareils passer sans appeler le ministère à intervenir, surtout que Pr. Samoud m’a demandé de la présenter comme Professeur agrégé en immunologie et directrice d’unité à l’Institut Pasteur de Tunis qui relève du Ministère de la santé ! »

Avant d’ajouter « Je tiens à informer l’opinion publique que j’ai contacté Pr. Samoud juste après l’émission pour clarifier la situation et je lui ai présenté mes excuses par rapport à la façon avec laquelle j’ai réagi en lui expliquant que ces propos sont toujours considérés comme dangereux ».

Mais la polémique n’est pas retombée pour autant.  « Le problème n’est pas uniquement l’agressivité et l’arrogance du journaliste, un média invite une scientifique à s’exprimer sur son domaine de compétence et lui reproche de dire la vérité… Que voulait-il dire par « dangereux » puisqu’elle exprimait les failles du vaccin chinois de manière scientifique ? On lui reproche de dire la vérité alors que l’Etat a octroyé une AMM à ce vaccin comme partout ailleurs. Est-elle censée porter la responsabilité du manque d’enthousiasme des citoyens pour le vaccin ? C’est quand même le comble ! », commente une internaute.

« L’animateur donc semblait convaincu d’en savoir plus qu’elle sur un dossier purement médical », s’étonne de la même façon l’activiste Ahlem Hachicha Chaker, furieuse de la façon avec laquelle on a traité la scientifique.

 

Suspension de l’animateur

Mise à jour vendredi 13h00 : La radio annonce la suspension d’Anis Morai, en attendant les résultats d’une enquête interne.