Le témoignage poignant de Dilnur Reyhan, Présidente de l’Institut Ouïghour d’Europe
Dilnur Reyhan : « Les 90% de la diaspora vivent dans la peur même à l’étranger. Lorsque 10% osent parler, diffusez leurs paroles !»
Née en région Ouïghoure où elle a grandi et fait ses premières classes, Dilnur Reyhan, discriminée, détenue et battue est une rescapée.
Durant sa prime jeunesse, elle n’est pas confrontée encore à la répression chinoise. C’est seulement après la première révolte de ses concitoyens que les militaires chinois débarquent pour ne plus repartir. Une grande révolte éclate à Ghulja, principale ville. C’était en février 1997. Depuis, détentions de masse, répressions systématiques, emprisonnements et tortures constituent le quotidien des Ouïghours. Dans la foulée, l’oncle de Dilnur est arrêté. C’est un intellectuel soupçonné d’alimenter la dissidence. Un de ses cousins meurt après avoir été torturé.
Très jeune à l’âge de 14 ans, le bac en poche, Dilnur part s’inscrire à la faculté de Médecine de Shanghai. Première confrontation avec une discrimination institutionnalisée. L’Université n’accepte pas les minorités ethniques mais seulement les étudiants chinois. « C’était vers les années 2003 et 2004. Une période où la discrimination pratiquée à l’encontre des Ouïghours avaient atteint son summum».
A l’embauche, même dans sa région, les Chinois sont privilégiés. Détentrice d’un passeport français, elle décide de prendre le large, non sans difficultés. Dilnur Reyhan est installée en France depuis 2006. Aujourd’hui, elle se bat contre la politique de répression chinoise pratiquée méthodiquement contre cette minorité musulmane.
Contrer une politique génocidaire visant à éradiquer toute une nation
Son témoignage raconte son exil mais aussi sa détresse de ne pouvoir même pas contacter les membres de sa famille, de peur de les exposer aux représailles. « Le fait de recevoir un appel de l’étranger est un motif d’interpellation ». Les Ouïghours n’ont pas le droit de contacter quelqu’un de l’étranger, sans l’autorisation des autorités. La famille qui le fait, doit présenter à la police un rapport détaillé du contenu de la communication. Pour éviter ces désagréments qui peuvent les mettre en danger, Dilnur ne contacte que très rarement ses parents et ses frères et sœurs. Sa mère lui avait demandée de ne plus les appeler : « tu sais très bien que ce n’est pas moi qui le demande. Je sais que tu comprends notre situation ». Dilnur n’a pas pu retenir ses larmes en racontant ce passage.
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Les autorités chinoises avaient mis en place, depuis 2016, un vaste système de camps de concentration pour y enfermer des millions d’Ouïghours. « Notre préoccupation était de survire et de contrer la politique génocidaire visant à éradiquer toute une nation », se souvient Dilnur. Emprisonnée elle aussi. Elle reçoit le choc de sa vie qui durera toujours. Des camps désignés par hôpitaux. « On prétextait des maladies pour enfermer des millions d’Ouïghours dans ces camps nazis ».
Les Capitales occidentales dénoncent fort timidement et de temps en temps les pratiques du pouvoir chinois. La France avait réclamé une fois « l’intervention de missions internationales de contrôle ».
Dilnur Reyhan veut devenir journaliste. Objectif, attirer l’attention, notamment du public francophone, sur la situation tragique de cette minorité musulmane oubliée. « Peut-être une pétition ne relâchera pas nos familles. Mais au moins, nous nous sentirons moins seuls. Faites-le, signez des pétitions ! »