Le secrétaire américain à la Défense évoque la situation politique en Tunisie
Décidément, pas une semaine ne s’écoule depuis peu sans que les déclarations d’officiels américains ne citent expressément la Tunisie, en des termes crus qui traduisent la tension qui règne sur les relations diplomatiques entre les deux pays.
S’exprimant à l’occasion d’une cérémonie du commandement américain pour l’Afrique, le secrétaire américain à la Défense, le général Lloyd Austin, a déclaré que le « rêve d’autonomie » de la Tunisie est « en danger ». « Dans toute l’Afrique, ceux qui soutiennent la démocratie, la liberté et l’État de droit luttent contre les forces de l’autocratie, du chaos et de la corruption », a-t-il déclaré, cité par l’agence Reuters.
Si cette déclaration vient s’ajouter aux critiques américaines, formulées quelques jours auparavant, concernant l’élargissement des pouvoirs du président Kais Saïed, il s’agit de la première fois qu’un numéro 1 du Pentagone se penche publiquement sur la Tunisie, au même titre que des pays tels que jadis le Venezuela ou d’autres « rogue states ».
Fin juillet, les propos d’Anthony Blinken, le chef du State Department, avaient déjà provoqué le courroux de Carthage qui a chargé le ministre tunisien des Affaires étrangères de convoquer la chargée d’affaires américaine au sujet de cette ingérence. Des partis politiques réputés proches du Palais, dont le parti panarabiste Achaâb, avaient par ailleurs appelé le président Saïed en guise de représailles à ne pas accepter les lettres de créance du nouvel ambassadeur US, Joey Hood, qui attend toujours de rejoindre son poste Tunis.
Quelle signification donner à ces propos ?
« Nous pouvons sentir ces vents contraires en Tunisie, où les gens ont inspiré le monde entier avec leurs demandes de démocratie », a renchéri Austin, « les États-Unis s’engagent à soutenir nos amis en Tunisie – et partout en Afrique – qui tentent de forger des démocraties ouvertes, responsables et inclusives », soulignant les appétits nouveaux de puissances telles que la Chine et de la Russie pour cette région du monde.
C’est précisément cette partie du speech du responsable militaire américain qui a suscité les plus vives réactions en Tunisie, où l’on note que les USA ne cachent plus leurs intérêts stratégiques dans la région, ainsi que leur souhait de soutenir logistiquement certains partis et alliés. Le Commandement des États-Unis pour l’Afrique (Africom), dont le siège se trouve depuis 15 ans en Allemagne, est responsable des opérations, des exercices et de la coopération en matière de sécurité du ministère américain de la Défense en Afrique et dans les eaux environnantes.
Important bailleur et donateur au développement et à la sécurité pour la Tunisie, Washington cherchait jusqu’ici à obtenir un plan de sauvetage du Fonds monétaire international, de sorte d’éviter un effondrement des finances publiques. Or, dans le contexte d’une Libye voisine qui peine à sortir du bourbier des luttes fratricides, l’administration Biden voit d’un mauvais œil la déstabilisation potentielle d’un maillon supplémentaire en Afrique du nord.