Le scandale du chlordécone, un crime d’empoisonnement ?

 Le scandale du chlordécone, un crime d’empoisonnement ?

Fort-de-France, 27 février 2021 : Manifestation de milliers de personnes en Martinique contre la prescription dans le dossier du chlordécone, un insecticide utilisé de 1972 à 1993 malgré sa toxicité et sa persistance environnementale, connues depuis les années 1960. (Photo par Lionel CHAMOISEAU / AFP)

La question va être soumise à la Cour de cassation. Les juges devront dire si le crime d’empoisonnement nécessite la caractérisation d’une intention de son auteur.

La cour d’appel de Paris vient de transmettre à la Cour de cassation pour examen une question prioritaire de constitutionnalité dans le scandale de la pollution au chlordécone aux Antilles. Les avocats des parties civiles ont soutenu, le 22 octobre dernier, leurs QPC : l’une sur la responsabilité pénale de l’État, la seconde sur la définition de l’empoisonnement.

Les magistrats ont refusé de transmettre la première mais ont accepté la seconde. La Cour de cassation devra donc dire si le crime d’empoisonnement nécessite la caractérisation d’une intention de son auteur de porter atteinte à la vie d’autrui, ce qui constitue une jurisprudence constante de la Cour de cassation depuis 1998 et l’affaire du sang contaminé.

Trois mois pour se prononcer

La plus haute juridiction judiciaire dispose de trois mois pour éventuellement transmettre la QPC au Conseil constitutionnel, qui, le cas échéant, disposerait à son tour de trois mois pour se prononcer. Le 2 janvier 2023, des juges d’instruction du pôle santé publique de Paris avaient abandonné toutes les poursuites dans ce dossier ouvert en 2008, tout en reconnaissant un « scandale sanitaire ». Les parties civiles ont contesté cette ordonnance de non-lieu.

Valeur symbolique

En janvier 2023, deux juges d’instruction parisiennes enquêtant sur le scandale ont prononcé un non-lieu, ce qui avait provoqué une certaine amertume aux Antilles, beaucoup considérant cette décision comme un « déni de justice ». Le chlordécone est un pesticide répandu dans les bananeraies pour lutter contre le charançon.

Il a été interdit aux États-Unis dès 1975, mais est resté autorisé en France jusqu’en 1990, et même jusqu’en 1993 aux Antilles, où il a bénéficié d’une dérogation, et ce, quinze ans après les premières alertes de l’OMS. Plus de 90 % de la population adulte en Guadeloupe et en Martinique est contaminée, selon Santé publique France, et les populations antillaises présentent un taux d’incidence du cancer de la prostate parmi les plus élevés au monde.