Le président Saïed dit « non aux diktats du FMI », quel impact pour l’économie tunisienne ?

 Le président Saïed dit « non aux diktats du FMI », quel impact pour l’économie tunisienne ?

Kais Saïed à Monastir le 6 avril 2023

Le président tunisien Kaïs Saïed a opposé une fin de non-recevoir à ce qu’il a qualifié de « diktats » du Fonds monétaire international (FMI), qui conditionne l’octroi d’un prêt à la Tunisie à la mise en place de réformes économiques structurelles et à la levée de la plupart des subventions étatiques. Une clarification qui vient mettre fin à plusieurs mois de flou sémantique.    

« En ce qui concerne le FMI, les diktats provenant de l’étranger et qui ne mènent qu’à davantage d’appauvrissement sont inacceptables ! », a asséné Kaïs Saïed le 6 avril en marge d’une cérémonie à Monastir marquant le 23e anniversaire du décès du père de l’indépendance tunisienne Habib Bourguiba. Le chef de l’Etat répondait directement aux questions des journalistes, un exercice auquel il rechigne et qu’il pratique très rarement puisqu’il n’a toujours pas accordé d’interview à proprement parler à la presse nationale depuis 2020.

Cette réponse sans équivoque est un couperet incompréhensible pour un certain nombre d’observateurs non avisés sur l’étrange répartition des rôles en vigueur en Tunisie entre la présidence de la République détentrice de tous les pouvoirs depuis le 25 juillet 2021, et un gouvernement Bouden dépendant de cette même présidence. Ce dernier se démène en effet depuis de longs mois pour obtenir le déblocage d’un prêt de 1,9 milliards de dollars en vue du sauvetage de ses finances publiques.

Car jusque récemment, Najla Bouden posait tout sourire à Davos en compagnie de la directrice du FMI, Kristalina Georgieva, et les ministres tunisiens des Finances et de l’Economie non n’ont eu de cesse que de rassurer l’opinion sur l’avancement desdites négociations, tandis que le président Saïed se contentait de lancer ça et là des piques à l’adresse du Fonds mais sans toutefois expliciter de positionnement idéologique clair. Echaudé, le FMI avait d’ailleurs requis la signature de Saïed.

 

Mieux, jusque aujourd’hui 10 avril, une délégation tunisienne de haut niveau était officiellement toujours censée partir en mission de lobbying à Washington pour une reprogrammation du dossier tunisien :

Endettée à hauteur d’environ 80% de son PIB, la Tunisie avait pour rappel obtenu un accord de principe du FMI à la mi-octobre 2022 pour ce nouveau prêt. Mais les discussions sont dans l’impasse, faute d’engagement ferme de la Tunisie à mettre en œuvre un programme de réformes pour restructurer les plus de 100 entreprises publiques tunisiennes lourdement endettées et lever les subventions sur certains produits de base. Des conditions que Saïed dit donc désormais rejeter, citant les meurtrières émeutes du pain de 1984 qui avaient fait des dizaines de victimes dans le pays, sous le régime de Bourguiba.

 

« Compter sur nos propres ressources »

Interrogé sur un éventuel plan B, le président tunisien a serré le poing et affirmé que l’alternative serait « qu’on compte sur nous-mêmes », ajoutant qu’« Il faut trouver d’autres idées car la paix sociale n’est pas un jeu ou quelque chose qui peut être pris à la légère ». En décembre 1983, les autorités tunisiennes avaient déjà décidé de supprimer la subvention sur les produits céréaliers, avec pour conséquence une envolée des prix du pain, de la semoule et des pâtes. Cela avait provoqué aussitôt des émeutes qui atteignirent leur apogée le 3 janvier 1984. L’état d’urgence fut alors instauré.

Au-delà de la rhétorique des slogans souverainistes déployée aujourd’hui sans complexes par Kais Saïed, nul ne sait ce que Carthage compte mettre en œuvre en guise de solution de rechange pour subvenir aux besoins de la loi de finances 2023 qui repose précisément sur le prérequis de l’obtention d’un prêt du FMI, un postulat dorénavant irréaliste. Au moment où les espoirs se tournent vers l’allié algérien du pouvoir tunisien, la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (STEG) a informé le gouvernement que les autorités algériennes ont officiellement exigé le remboursement de la facture de gaz de la Tunisie auprès de la Sonatrach, a rapporté ce weekend le site Achaab News proche de la centrale syndicale UGTT.

Au lendemain des déclarations présidentielles, l’euro est brièvement repassé à l’un de ses niveaux les plus hauts face au dinar tunisien, à 3,35 dinars pour 1 euro.