Le président Kais Saied parachève son coup de force
Le président de la République Kais Saied a promulgué mercredi soir un décret présidentiel relatif à de nouvelles « mesures exceptionnelles » faisant cette fois office de dispositions transitoires. Des mesures qui viennent parachever son coup de force du 25 juillet et qui ne laissent aucun doute quant au fait qu’il s’octroie désormais les pleins pouvoirs, le tout pour une durée indéterminée.
Comme pressenti, Saïed a donc décidé de prolonger indéfiniment la suspension des activités du Parlement, de maintenir la levée de l’immunité parlementaire des députés et de suspendre toutes les indemnités et les émoluments accordés au président du Parlement et ses membres.
Pour le juriste Abdellatif Derbala, le fait que l’annonce de cette batterie de mesures historiques pour le pays commence par la suppression anecdotique des salaires des parlementaires est en soi une indication de la teneur populiste de cette annonce : « Face à l’incapacité de procurer de la prospérité au peuple, il s’agit de lui faire détester ceux qui en ont et dont le salaire est perçu comme une spoliation des deniers publics ».
Gouvernance absolutiste et sans contre-pouvoirs
En vertu du décret présidentiel paru ce mercredi au Journal officiel de la République tunisienne (JORT), le préambule de la constitution, les chapitres 1 et 2 (principes généraux et droits et libertés) et l’ensemble des dispositions constitutionnelles qui ne s’opposent pas avec ces mesures exceptionnelles restent par ailleurs en vigueur.
Or, le fait que ces annonces cruciales pour les citoyens soient communiquées aux Tunisiens dans un court statut Facebook de quelques phrases évasives, et que ses détails soient publiés dans le JORT, pose un problème du point de vue de la forme. Non seulement le peuple et la société civile sont exclus du débat mais une adresse sous forme d’allocution ne leur est pas accordée pour ce qui constitue pourtant un bouleversement du cadre institutionnel régissant tous les aspects de leurs droits et de leur vie quotidienne.
Il a été également décidé la suppression pure et simple de l’Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi. En clair, aucun organisme ne peut dorénavant contrôler la légalité des mesures présidentielles.
« Le président de la République se charge, dans le cadre de ce décret, de l’élaboration de projets d’amendements relatifs aux réformes politiques, avec le concours d’une commission qui sera créée par décret présidentiel », peut-on lire dans le JORT. Cela prépare donc clairement au minimum à des amendements majeurs de la Constitution de 2014.
S’agissant le pouvoir législatif, le même décret prévoit la promulgation, par le président Saied, de textes sous forme de décrets loi après réunion du conseil des ministres. Le président exerce le pouvoir exécutif avec l’aide d’un gouvernement présidé par un chef de gouvernement qui reste à désigner…
L’annonce nocturne de ces mesures unilatérales a aussitôt provoqué une levée de boucliers et de vives réactions dans la classe politique mais aussi chez de nombreuses composantes de la société civile. Sur les réseaux sociaux, le mot d’ordre est donné en vue d’une manifestation dimanche 26 septembre, où les organisateurs demandent d’oublier le temps de cette mobilisation les divergences politiques entre opposants à ce projet de « dictature naissante ».