Le président de l’instance anti-corruption démis de ses fonctions
Le chef du gouvernement démissionnaire, Elyes Fakhfakh, a décidé cet après-midi 24 août de limoger Chawki Tabib, président de l’Instance nationale de lutte contre la corruption (Inlucc). Une annonce spectaculaire, hautement polémique, effectuée « dans les arrêts de jeu ».
Coup de tonnerre au moment où tous les regards sont tournés vers l’imminente annonce de la composition du nouveau gouvernement Mechichi. Interrogé, Chawki Tabib affirme qu’il n’est pas au courant de sa propre éviction.
Un gouvernement sortant, n’œuvrant officiellement qu’à la gestion des affaires courantes, a-t-il suffisamment de légitimité pour procéder à des révocations de cette envergure politique ?
Techniquement et en théorie, en vertu du décret-loi 120 fondateur de l’instance, la réponse est oui, quand bien même ladite instance est « indépendante ». Le décret-loi stipule en effet que le président de l’instance est nommé sur proposition du gouvernement. Par conséquent, il est possible que le chef du gouvernement décide du limogeage, conformément au parallélisme des lois.
Une décision éthiquement problématique
Cependant l’instance, et plus précisément son président Chakwi Tabib, à travers un certain nombre de déclarations, avait récemment joué un rôle déterminant dans le scandale du conflit d’intérêts présumé ayant précipité la chute du gouvernement Fakhfakh et la démission de ce dernier. Juriste de formation, Tabib avait ainsi révélé aux médias nationaux certaines lacunes que contenait selon lui la déclaration des biens du chef du gouvernement suite à sa nomination. Des imprécisions concernant l’état de l’actionnariat de Fakhfakh dans l’entreprise soupçonnée d’avoir bénéficié illégalement d’un marché public.
Vengeance personnelle ? En limogeant les six ministres d’Ennahdha quelques jours avant son propre départ, Elyes Fakhfakh avait déjà acquis la réputation d’un chef de l’exécutif particulièrement revanchard, n’en déplaise à ses adversaires politiques. En procédant au limogeage du président de l’Inlucc aux dernières heures de l’occupation de son poste, l’homme persiste et signe donc, sans complexes.
On apprend par ailleurs qu’une mission d’inspection serait diligentée auprès de l’instance par les services du ministère chargé de la lutte contre la corruption. La principale entité chargée de la lutte contre la corruption instaurée après la révolution elle-même objet d’enquête à propos de sa propre corruption… Voilà qui devrait faire les choux gras des commentateurs de l’anti-corruption dans les contrées du tiers-monde.
A la tête de l’instance depuis janvier 2016, Tabib était un habitué des déclarations tapageuses insinuant la corruption de telle ou telle personnalité publique. Selon nos sources, le juge près de la cour de cassation, Imed Boukhris, aurait d’ores et déjà été nommé en remplacement de Chawki Tabib.