Le Parlement européen fustige l’accord signé entre la Tunisie et la Commission européenne

 Le Parlement européen fustige l’accord signé entre la Tunisie et la Commission européenne

L’information faisait les titres jusque dans la presse britannique où le Gardian titrait le 13 mars : « La Commission européenne accusée de « financer des dictateurs » par les députés après l’accord avec la Tunisie ».

Débats polémiques à Strasbourg et à Bruxelles : le Parlement européen a en effet publié mercredi une résolution au sujet de l’adoption de ce que les députés européens ont appelé « la mesure spéciale en faveur de la Tunisie en 2023 ». Le texte critique les travaux de la Commission européenne il y a 7 mois concernant le mémorandum d’entente (MOU) signé avec la Tunisie, ainsi que le versement en une seule tranche de 150 millions d’euros. Une initiative initiée en réalité à l’époque par la très à droite troïka européenne emmené par les droites dures italienne de Giorgia Meloni et néerlandaise de Mark Rutte en sus de la pragmatique présidente de la Commission, Ursula von der Leyen.

Quand l’UE fait son autocritique

Le Parlement européen dit ainsi contester la nécessité d’une procédure écrite d’urgence pour la mesure spéciale en faveur de la Tunisie, étant donné que l’annonce initiale par la Commission d’un appui budgétaire de 150 millions d’euros a été faite dès le 11 juin 2023, ce qui laissait suffisamment de temps pour recourir à la procédure normale. Il estime par conséquent que le calendrier de lancement de cette procédure écrite d’urgence « témoigne d’un manque de respect pour le contrôle parlementaire et la procédure de comité ».

>> Lire aussi : Migration. Opacité et lenteurs entravent un accord Tunisie – UE

Le texte invite la Commission à fournir une explication « détaillée et factuelle », dans le contexte du prochain dialogue géopolitique à haut niveau, quant au fait qu’aucun contact informel n’a eu lieu entre la Commission et le Parlement avant l’adoption de la mesure spéciale dans le cadre d’une procédure écrite d’urgence.

Poursuivant dans cette logique de clash interne entre ses propres institutions, le Parlement européen estime que l’engagement politique pris dans le mémorandum d’entente avec la Commission pour verser « dans sa totalité » l’appui budgétaire pour 2023 ne constitue pas une justification juridique pour adopter cette mesure, que ce soit en tant que mesure spéciale ou dans le cadre d’une procédure écrite d’urgence.

Il dit regretter que la Commission n’ait pas mis de manière proactive à la disposition du Parlement la convention de financement correspondante avec la Tunisie, énonçant des conditions et des exigences particulières et demande une explication détaillée de la manière dont des termes tels que « progrès satisfaisants » constituent des « critères clairement définis pour la conditionnalité de l’appui budgétaire ».

 

Retour aux valeurs fondamentales universelles

Le Parlement européen affirme surtout « douter du respect des principes fondamentaux de l’action extérieure relatifs à la démocratie, aux droits de l’homme et à l’état de droit », ainsi qu’il est énoncé à l’article 21 du traité de l’UE, « compte tenu de la détérioration significative des droits fondamentaux qui s’est déjà produite en Tunisie depuis juillet 2021 » et considérant que cette régression des valeurs fondamentales pourrait conduire l’Union à suspendre, à réduire ou à purement annuler l’appui budgétaire aux pays partenaires.

Il invite donc la Commission à fournir d’urgence et avant la fin de la législature des précisions écrites sur la façon dont elle évaluera si les conditions concernant le décaissement de l’appui budgétaire ont été ou seront remplies, et sur le moment où elle fera cette évaluation, ainsi que sur les critères objectifs qui seront utilisés pour déterminer si des  «progrès satisfaisants » ont été accomplis dans la mise en œuvre des conditions générales et demande à la Commission de préciser par écrit en quoi elle estime que la Tunisie satisfait actuellement à l’exigence énoncée dans le document d’action relatif à la mesure spéciale, portant sur les valeurs fondamentales.

Par ailleurs, le Parlement européen invite la Commission à préciser pourquoi elle a choisi de décaisser les 150 millions d’euros en une seule tranche, plutôt que de permettre un décaissement progressif sur la base de valeurs intermédiaires ou d’étapes concrètes atteintes comme le prévoit le règlement financier, réduisant ainsi à néant l’option de suspendre les décaissements ultérieurs si une nette érosion des valeurs fondamentales devait être observée.

Il l’invite également à expliquer comment la mesure spéciale contribuera à améliorer le climat des affaires et des investissements face à la détérioration de l’état de droit en Tunisie depuis juillet 2021, qui constitue un barrage au développement économique et à justifier en outre les raisons pour lesquelles les autorités tunisiennes ont récemment refusé le versement de 60 millions d’euros d’appui budgétaire au titre de la facilité Covid en octobre 2023, ainsi que les raisons pour lesquelles la Commission estime que les autorités tunisiennes sont disposées à accepter l’appui budgétaire prévu par cette mesure spéciale.

Le Parlement européen demande enfin à la Commission de préciser quelles garanties elle a reçu des autorités tunisiennes, depuis septembre 2023, que le Parlement sera autorisé à visiter les sites des projets financés par l’Union en Tunisie et à exercer ainsi « ses droits de surveillance et de contrôle ».

 

>> Lire aussi : La Tunisie interdit l’entrée d’une délégation d’eurodéputés sur son territoire