Bessem Ben Abdallah décroche une étoile !
Une cuisine inventive et généreuse, voilà ce que propose Bessem Ben Abdallah dans son restaurant à Mandelieu-la-Napoule, entré hier (18 mars) dans le guide Michelin. Après avoir travaillé dans de prestigieuses maisons, le chef franco-tunisien y donne libre cours à son talent et à son imagination ancrée en Méditerranée
Une terrasse arborée, à l’ombre d’un platane, et en fond sonore le clapotis d’une fontaine en pierre. L’endroit idéal pour tremper une minifocaccia sertie de graines de nigelle dans une savoureuse huile d’olive multimédaillée dans le monde entier et tout droit venue de Tunisie. De la parcelle 26, exactement, à laquelle elle doit son nom.
“Le producteur avec qui je travaille s’appelle Michael Zeitoun, ça ne s’invente pas”, plaisante Bessem Ben Abdallah, le maître de ce lieu idyllique qui a ouvert ses portes à Mandelieu, à moins de 10 km de Cannes, en 2017.
Il pouvait déjà s’enorgueillir d’avoir été reconnu par le label du Collège culinaire de France en 2023 et d’avoir reçu l’assiette du Guide Michelin en 2019. L’étoile, quant à elle, est désormais bien méritée. Cette récompense ultime, le cuisinier ‘souriant’, comme pour faire honneur à son prénom, l’avait obtenue pas moins de deux fois lorsqu’il officiait aux Airelles à Courchevel comme chef exécutif de Pierre Gagnaire entre 2006 et 2012.
Auprès de cet “artiste de génie”, il a appris à oser s’émanciper des recettes classiques jusqu’alors religieusement exécutées. “Il fallait voir comment Pierre Gagnaire s’activait derrière les pianos à mélanger les ingrédients les plus improbables”, s’émerveille celui qui avait cumulé les stages à Nice à l’issue de son BTS décroché à Tunis.
Des plats de saison faits maison
De ses origines, qui se situent du côté des îles de Kerkennah, ce “Tuniçois” garde un faible pour les épices, maniées avec subtilité, et n’a pas d’ingrédient fétiche. Il pratique plutôt une cuisine instinctive.
“Quand je pense à deux produits, j’ai déjà leur goût en bouche”, assure le quadra au palais absolu. Son mot d’ordre est : “Des plats de saison faits maison.” A commencer par la fameuse harissa, mais “pas celle qui fait sauter les tympans”. Pour concocter la sienne, Bessem Ben Abdallah mixe poivrons rouges, paprika fumé et un piment d’Espelette qui vient juste chatouiller le palais.
Esprit généreux et cœur large
Comment naissent ses recettes ? “J’avise en fonction des trouvailles au marché.” D’où le menu surprise qui se décline en cinq ou neuf étapes pour les plus gourmands. Cette cuisine improvisée n’exclut pas quelques plats signatures, comme l’œuf cuit à basse température.
Servi sur une tombée d’épinards zestée au citron jaune et une mousseline de pomme de terre parfumée de noix de muscade, le tout chapeauté de champignons séchés et de truffe noire. “On me le réclame en été mais je ne le fais qu’en hiver”, prévient-il.
Un délice concocté avec des œufs extra-frais. Tellement frais qu’il a aménagé un poulailler à l’arrière-cour de son restaurant. “J’avais seize poules, mais seules six et un coq ont survécu au passage du renard”, déplore-t-il.
Effectivement, à Mandelieu, capitale du mimosa, la nature n’est jamais bien loin et s’invite parfois quand on ne s’y attend pas. Cette bourgade de 21 000 habitants est traversée par la Siagne, un fleuve qui sépare le département du Var des Alpes-Maritimes. En se baladant sur les berges, on trouve un écriteau qui avertit le promeneur de prendre garde aux sangliers descendant de l’Estérel, le pittoresque massif auquel s’adosse la ville.
S’il n’avait pas opté pour la gastronomie – une passion à laquelle il s’adonne dès l’âge de 8 ans, à tel point que ses parents étaient obligés de fermer la porte de la cuisine à double tour pour l’empêcher de se mettre aux fourneaux en leur absence –, Bessem Ben Abdallah serait devenu vétérinaire. Ou peut-être peintre. L’un de ses tableaux est accroché dans l’élégante salle du restaurant. Plus jeune, il confesse avoir pris du plaisir à reproduire des toiles de grands maîtres, à l’instar de Paul Gauguin.
On peut lire une citation de ce dernier sur la carte : “Cuisiner suppose une tête légère, un esprit généreux et un cœur large.” Bessem incarne cette phrase avec brio. Et ce du tartare de tomates, surmonté d’une glace à la burrata saupoudrée d’un crumble de framboises, à l’onctueux et addictif crémeux au chocolat servie en mignardise, en passant par le thon rouge ponctué juste ce qu’il faut de quelques notes d’harissa et de pétales de capucines du jardin.
BESSEM RESTAURANT au 183, avenue de la République à Mandelieu-la-Napoule