Le livre de Mérième Alaoui « François Ruffin, l’ascension d’un opportuniste » sort ce jeudi
Mérième Alaoui est journaliste indépendante. Passée par RTL, Le Point mais aussi par Le Courrier de l’Atlas, « François Ruffin, l’ascension d’un opportuniste » est son premier livre. Il sort ce jeudi 18 mars aux éditions Robert Laffont. Merième Alaoui a accepté de répondre à nos questions.
LCDL : Comment vous est venue l’idée de ce livre ?
Mérième Alaoui : Comme François Ruffin, je suis originaire d’Amiens. Mais nous ne nous connaissions pas. Puis je me suis installée à Paris, notamment pour mes études. Plus de 15 ans plus tard je suis revenue vivre à Amiens. Le stress de la vie parisienne a eu raison de moi. Quand j’étais à Paris, j’avais comme le grand public, cette image de François Ruffin, ce réalisateur journaliste qui avait défié Bernard Arnault, l’homme de gauche, courageux qui défend le petit peuple.
En trois ans, François Ruffin s’est imposé comme l’une des personnes qui comptent le plus à gauche, un activiste devenu député et qui a aujourd’hui des ambitions présidentielles. Il me semblait donc important de m’intéresser à ce personnage. En relatant des faits et en interrogeant son storytelling.
Au départ, je pensais faire un documentaire télé sur son ascension. Mais très vite, je me suis aperçue qu’il allait être difficile d’avoir des gens qui accepteraient de témoigner devant la caméra.
Pourquoi ?
Certains n’avaient pas envie que leur nom sorte. Ils en redoutaient les conséquences. François Ruffin a une force de frappe importante, une aura numérique, un énorme fan club. A Amiens, où j’ai mené mon enquête, tous les militants se connaissent.
Dans le livre, il y a donc des gens qui témoignent en « off ». Heureusement pour mon enquête, les langues ont commencé à se délier avec les élections municipales. Beaucoup n’ont pas apprécié le comportement de François Ruffin qui, bien qu’il ne se soit pas présenté à la mairie, a imposé ses candidats de force.
Vous dites qu’il y a une différence notable entre son discours et ses actes…
En retournant à Amiens, j’ai repris contact avec des militants locaux. Et en prenant des cafés avec eux, j’ai compris que cette image que j’avais de lui n’était pas tout à fait conforme à la réalité. Par exemple, le journal qu’il dirige « Fakir » à longtemps fonctionné avec beaucoup de contrats précaires, un turn over incessant avec des jeunes qui s’usent.
Beaucoup m’ont raconté que François Ruffin était un patron difficile à vivre, certains parlent même d’un boss aux « méthodes dictatoriales ». C’est un chef qui décide de tout, qui contrôle tout, ne délègue quasiment rien. Il écrit 3/4 des articles du journal.
Vous dites qu’il est opportuniste…
Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les gens que j’ai rencontrés sur le terrain. J’ai souvent entendu qu’il avait un double discours. Beaucoup ne connaissent pas vraiment le fond de sa pensée.
Notamment sur les questions sociétales…
Effectivement. Il a créé un groupe politique Picardie Debout. J’ai déjà assisté à quelques-unes de leurs réunions. Elles se résument souvent à de l’organisation logistique. Il y a très peu de débat de fond… On y évite particulièrement certains sujets, comme « l’islam dans les banlieues » ou les « violences policières » jugés racistes.
Pour l’affaire d’Adama Traoré, il a répété qu’il « n‘avait pas toutes les informations » et a préféré botter en touche. Il avait aussi signé une tribune pour dénoncer l’Islamophobie mais quand la question d’aller manifester lui a été posée, il a prétexté qu’il allait jouer au football. Il préfère rester flou…
Dans votre livre, vous revenez également sur les bénéfices engendrés grâce à son documentaire « Merci Patron »…
Ce film a cartonné au cinéma avec plus de 500 000 entrées. François Ruffin et son équipe ont dû créer une société de production, les Quatre cent clous, pour gérer l’énorme manne financière qui leur revenait. Eh bien c’est simple, il est actionnaire à hauteur de 75% de cette société, tout en étant en plus, producteur à titre personnel.
On aurait pu penser qu’en tant qu’homme de gauche, il allait redistribuer une grande partie des bénéfices aux militants qui ont participé au film, voire réinjecter une partie de la somme pour aider les jeunes réalisateurs picards. Rien de tout cela. Selon mes informations, il aurait seulement versé quelques primes de 5000 euros aux salariés de Fakir de l’époque…
Pourtant, le succès de ce film est aussi le résultat d’un important travail militant, qui a mobilisé bien plus de monde.