Le Japon, un acteur fort du développement en Afrique ?

 Le Japon, un acteur fort du développement en Afrique ?

SEYLLOU DIALLO / AFP

Si l’Afrique fait l’objet de convoitises de la part de nombreux pays (Turquie, Chine, Russie, etc..), un acteur trace sa route sans faire de bruit : le Japon. 2ème contributeur de la Banque Africaine de développement (BAD), le pays du soleil levant agit sur le terrain technique avec des objectifs précis (sécurité alimentaire, infrastructures, nouvelles technologies).

Alors même que plusieurs pays se « ruent » sur l’Afrique considérée comme une mine d’or à exploiter, le Japon privilégie la discrétion et l’efficacité dans son approche avec le continent. Comme nous l’affirme Stéphane Tiki, porte-parole du Groupement du Patronat Francophone, « les liens entre le Japon et l’Afrique sont forts. Ils sont présents en Afrique centrale, du Nord et de l’Est. Ils s’intéressent à tout ce qui se passe sur le continent et leur patronat fait même partie du Groupement du Patronat Francophone. Leurs domaines d’interventions sont le numérique, les innovations, l’agriculture ou le développement durable. »

Alliant l’aspect économique et technique, le Japon est également un partenaire important de l’aide au développement sur le continent. L’empire nippon organise ainsi la TICAD 8, conférence internationale de Tokyo pour le développement de l’Afrique les 27 et 28 août 2022 à Tunis. En prélude de cet événement, et à l’initiative d’ AfricaPresse.Paris et du CAPP (Club Afrique de la Presse Parisienne) et en coopération avec Afrijapan, la IVème conférence des ambassadeurs africains à Paris a souhaité aborder le thème « Bilan et Perspectives de la coopération japonaise en Afrique ».

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De la coopération plutôt que de l’aide au développement

Si les détails sont importants, ils le sont particulièrement pour les Japonais. Ainsi, le mot développement est quasiment prohibé et on parle plus volontiers de coopération. « La philosophie de la Japan International Cooperation Agency (JICA) est de créer des partenariats d’égaux à égaux en Afrique, indique Inada Kyosuke, le représentant de l’Agence à Paris. Nous envoyons des experts sur le terrain qui travaillent avec les Africains et sont à la recherche de résultats de long terme. »

Avec ses 30 représentations sur le continent, la JICA cherche avant tout à renforcer la capacité des Africains à s’en sortir par eux-mêmes. Elle leur apporte des aides, notamment techniques, pour le renforcement de leur capacité. « Il faut être patient et résoudre les problèmes pour aider l’Afrique dans ses efforts personnels, confirme Mr Kyosuke. Nous sommes les amis de l’Afrique. On n’abandonne pas le projet d’un ami parce qu’il ne marche pas bien. Nous sommes là pour des décennies pour travailler avec nos partenaires sur le continent. »

Cet état d’esprit plait aux Africains qui restent ainsi aux manettes. « Beaucoup de partenaires qui viennent en Afrique cherchent uniquement le business et les marchés, indique Ferdinand Belka, président d’Afrijapan.  Les Japonais viennent avec des aides techniques et disent :  » Faites votre stratégie de développement et nous vous accompagnons ». Le Japon cherche une coopération gagnant-gagnant avec l’Afrique. »

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Un modèle de développement à suivre ?

A l’image de ce que pratique le Maroc avec la même stratégie win-win, les résultats sont au rendez-vous. En effet, le Japon investit pour améliorer les récoltes de riz par exemple ou avec son programme NINJA pour les start-up africaines. « Il y a un narratif nouveau, réalise Stéphane Tiki du GPF. Il faut arrêter de penser que les Africains ont besoin qu’on leur prenne la main. Ils ont beaucoup de qualités sur le terrain. Il n’ont besoin que de formation et de coopération. Le Japon a compris tout de suite que c’est par le co-développement et des accords bilatéraux que des résultats pourraient être obtenus. »

Et si le Japon plait tellement aux Africains, c’est que les résultats économiques sont au rendez-vous pour l’empire nippon. En 80 ans, ils ont pu relever leur pays avant de se classer dans les 3 premières économies mondiales. « Mon pays a du reconstruire son pays par lui-même après la deuxième guerre mondiale, affirme Inada Kyosuke. Nous avons donc une expérience de ce qu’est le développement. »

Un point de vue que partage Ferdinand Belka d’Afrijapan. « Le pays a su transformer son économie après la seconde guerre mondiale. Il donne la preuve que la situation de calamité et de guerre n’est pas un frein pour le développement. »

Mais, si le modèle japonais fait rêver, il convient tout de même de rappeler que celui-ci a été permis par l’inscription dans la constitution de l’absence de forces armées en 1945 et des dépenses afférentes. Leur défense était alors assurée par les Américains et les « forces japonaises d’autodéfense » ne seront renforcées que dans les années 90. Cela a ainsi fortement contribué à permettre le bond en avant de l’économie nippone. Un chemin à suivre également pour les pays africains ?