Le gouvernement Mechichi obtient une fragile confiance à l’ARP

 Le gouvernement Mechichi obtient une fragile confiance à l’ARP

Hichem Mechichi

134 voix pour, 67 contre et zéro abstention. Tard dans la nuit, l’Assemblée des représentants du peuple a accordé mercredi 2 septembre sa confiance au gouvernement de Hichem Mechichi. Une confiance bien bancale au regard du caractère hétéroclite des bénisseurs d’une équipe de technocrates elle-même peu homogène, déjà menacée de remaniement imminent.   

Contraint de glaner ses soutiens parlementaires en un temps record, 24 heures avant ce vote crucial, Mechichi revient de loin, après que le président Kais Saïed, décidément lunatique, l’ait lâché en plein vol.

Même si aujourd’hui le fraîchement investi chef de gouvernement, soucieux de minimiser les tumultueuses péripéties ayant conduit à ce vote, tente de démentir l’existence de divergences fondamentales avec Carthage, il est un secret de polichinelle que la rupture avec Saïed est consommée. Ce qui laisse présager d’un mandat politiquement tourmenté, de type cohabitation, avec peu de chances d’aboutir à son terme, soit fin 2024.

 

L’épée de Damoclès des soutiens de la 25ème heure

Car les parrains de dernière minute, dont essentiellement les opportunistes d’Ennahdha et Qalb Tounes, ont monnayé leurs précieuses voix au prix fort. Dans le style provocateur qu’on lui connaît, Nabil Karoui avait ainsi déclaré dès lundi à la presse qu’il demandera le remplacement illico des ministres régaliens, dont celui de l’Intérieur. Un message indirect adressé au président Saïed pour lui signifier qu’il aurait d’ores et déjà perdu la main, lui qui a particulièrement présidé au choix de ces importants portefeuilles.

Autre enseignement de cette reconfiguration du paysage politique dominé par une nouvelle « troïka » islamo-affairiste (Ennahdha – Qalb Tounes – al Karama), l’encombrante omniprésence de la conseillère et chef de cabinet du président de la République, Nadia Akacha, à qui une partie de l’opinion et l’ensemble des médias nationaux imputent l’architecture du gouvernement Mechichi.

L’inconscient collectif tunisien garde en effet un mauvais souvenir des puissantes figures de Saïda Sassi dans les années 80 puis de Leila Ben Ali au Palais, ce qui tend à affaiblir davantage encore un Kais Saïed dont la popularité s’érode au gré des errements politiques de l’exécutif depuis son élection il y a 1 an.

 

« Cinq priorités »

Avant la délivrance du vote à l’aube, Hichem Mechichi a dévoilé dans son discours d’investiture mardi « les 5 priorités de son gouvernement », dont l’urgente interruption de l’hémorragie des finances publiques, la protection des catégories vulnérables et des plus démunis, via une stratégie multisectorielle et l’engagement de l’Etat à payer ses dettes envers ses bailleurs d’ici l’horizon fin 2021. « Un programme reçu la veille de la séance plénière du vite, à 18h00 », ont déploré de nombreux députés.

« Mon gouvernement œuvrera à assurer la reprise de la cadence habituelle de la production des secteurs stratégiques, en particulier, le secteur énergétique et minier ainsi qu’à la préparation d’un plan intégré pour renforcer les ressources propres de l’Etat », a-t-il martelé à propos des récents mouvements de protestation sociale qui paralysent notamment certaines régions du sud du pays.

Une étape censée être le prélude à un ambitieux plan de relance post Covid-19 des entreprises touchées de plein fouet par la pandémie. Le plan comprend la modernisation de l’administration, la digitalisation des services, et une série de mesures comprises dans le projet de loi de finances 2021, qui entend aussi juguler l’évasion fiscale.

Mechichi a en outre minimisé l’impact de la suppression du ministère de l’Emploi, estimant qu’un nouveau Pôle pour l’emploi des jeunes sera créé.

 

Une « bonne planque » pour les partis politiques

Dans le même contexte délétère d’une désastreuse croissance à -21%, qui signifie pour rappel la destruction au moins d’un demi-million d’emplois, le nouveau gouvernement entend par ailleurs « coordonner davantage ses efforts avec la Banque centrale de Tunisie » afin d’harmoniser les politiques monétaire, financière et fiscale et d’entamer des négociations avec les partenaires et les bailleurs de fonds avant de présenter un vaste programme de réformes structurelles.

Une guerre contre la pauvreté à l’issue pour le moins incertaine, quand on sait que les partis politiques soutiens du gouvernement Mechichi ne disposent pas de ministres dans ce même gouvernement… Une situation atypique qui leur permettra de tirer les ficelles, tout en se dédouanant de tout éventuel échec le cas échéant.

 

>> Lire aussi : Gouvernement Mechichi, le grand paradoxe