Le festival du Cinéma du réel rend hommage à Dalila Ennadre
Deux documentaires de la réalisatrice franco-marocaine Dalila Ennadre, décédée en mai 2020, sont programmés au centre Pompidou, à Paris, dans le cadre du festival du Cinéma du réel. Jean Genet, Notre-Père-Des-Fleurs explore justement le lien entre les vivants et ceux qui ne sont plus de ce monde.
Un cimetière marin. Des tombes blanches ornées de croix et une fillette, Doha, qui joue innocemment à la balançoire ou à cache-cache entre les tombes. Nous sommes à Larache. C’est là que repose Jean Genet, qui a passé dans cette ville du nord du Maroc ses dix dernières années.
Doha est la fille de la gardienne de ces lieux. Elle joue à la maîtresse avec les enfants enterrés dans ce cimetière chrétien. Sa mère entretient une relation particulière avec l’auteur d’Un Captif amoureux. Pourtant, elle ne l’a jamais rencontré et, analphabète, elle l’a encore moins lu.
Quels liens se tissent entre les morts et les vivants ? Comment les valeurs qu’ils ont incarnées leur survivent ? Voilà autant de questions qu’explore Jean Genet, Notre-Père-Des-Fleurs de Dalila Ennadre.
Ce qui rend le film encore plus poignant c’est que la réalisatrice, déjà remarquée par de nombreux documentaires humanistes tous tournés dans son Maroc natal, se savait condamnée quand elle a commencé à tourner les premières images de son dernier opus. Entre les séances de chimiothérapie, cette cinéaste passionnée et combative a trouvé l’énergie pour mener à bien ce projet jusqu’à la phase du montage.
« Elle a laissé des consignes très précises pour que la version finale ressemble exactement à ce qu’elle avait imaginé », souligne sa fille Lilya, une lycéenne de 18 ans, créditée au générique et dont le rôle a été de veiller à ce que le film corresponde à la vision de sa mère qu’elle avait accompagnée à plusieurs reprises sur le lieu du tournage.
Si elle reconnait avoir ressenti « une énorme pression de mener à bien ce travail que sa mère avait presque fini », Lilya estime que le résultat correspond à ce qu’elle voulait. « Ceux qui connaissent ses travaux précédents ont retrouvé son esprit. Ça nous a confortés ».
Le point commun à tous les films de Dalila Ennadre : donner la parole à ceux que l’on entend peu. Jean-Genet, Notre-Père-Des-Fleurs, qui dresse le portrait de cet écrivain à travers ceux qui viennent se recueillir sur sa tombe ou qui vivent tout autour, n’y échappe pas. Il est un hommage à l’écrivain autant qu’à eux.
« A chaque fois qu’elle se rendait sur place, ma mère découvrait de nouvelles facettes entre Jean Genet et le lieu où il était enterré. Le film pose une question universelle : que faisons-nous de nos douleurs et comment tirer profit de celles qui habitent chacun de nous », poursuit Lilya.
Un film testament donc où la réalisatrice transmet une part de son humanisme. Quant à sa fille Lilya, elle trouve « poétique » que le dernier travail de sa mère thématise justement le rapport qu’il y a entre ceux qui meurent et ceux qui restent.
« Elle m’a laissé un bel héritage. Ce film m’a beaucoup aidée à voir qu’il n’y pas de réelle frontière, de fissure après un décès. La mort ne signifie pas que c’est fini, le lien est certes différent mais il reste très fort. Quand on voit la petite Doha dans le film, on se dit qu’il n’y a pas à redouter la mort. C’est un passage qui nous emmène vers autre chose », estime Lilya qui s’est désormais donnée pour mission de faire vivre le « cinéma vérité » de Dalila Ennadre aussi longtemps que possible.
Hommage à Dalila Ennadre au festival du Cinéma du réel au Centre Pompidou, à Paris, le 17 mars à 20h30.
El Batalett, Femmes de la médina
Jean Genet, Notre-Père-Des-Fleurs