Le docteur Debauchez licencié pour avoir dénoncé des faits de corruption
Le Docteur Mathieu Debauchez, responsable du pôle des maladies cardio-vasculaires à l’Institut mutualiste Montsouris (IMM) à Paris croyait bien faire en informant sa direction en juin 2020 de «dysfonctionnements très importants» dus aux «contrats financiers» qu’un médecin de l’IMM, Christophe Caussin, avait signés avec le géant américain Medtronic.
Au lieu d’être félicité par sa direction , Mathieu Debauchez a été licencié. Défendu par Maitre Sarah El Hammouti, ce lanceur d’alerte a rendez-vous le 25 août prochain devant les Prud’hommes de Paris.
Le 13 juillet dernier, la Défenseure des droits Claire Hédon a dénoncé le licenciement de Mathieu Debauchez, estimant qu’il s’agissait ici de «mesure de représailles».
Dans une vingtaine de jours, vous serez devant les Prud’hommes. Comment vous sentez vous ?
Je suis épuisé. J’ai passé des centaines de nuits sans dormir. J’ai hâte que cette histoire se termine. Deux ans, c’est long. Jamais, je n’aurais imaginé me retrouver dans cette situation simplement pour avoir fait mon devoir de citoyen.
Justement, avez-vous été surpris par votre licenciement ?
Au début, en juin 2020, quand je donne l’alerte, ma direction semble me soutenir puis très vite, ils ont changé de position et me l’ont fait savoir en me disant par exemple que le dossier que je leur avais présenté était vide de preuves. Pourtant, le dossier était complet, il comportait l’avis de trois cabinets de juristes. Les trois étaient unanimes : les faits que je dénonçais pouvaient recevoir les qualifications pénales de corruption et faux et usage de faux. Tout s’est accéléré après. En octobre 2020, le directeur de l’institut et le président de la CME (Commission médicale d’établissement) décident de la mise sous tutelle de mon pôle. J’ai alors compris que la direction me lâchait. Et le 8 décembre 2020, je suis licencié pour faute grave, parce que mes responsables ont considéré que mes alertes faisaient du tort à la réputation du docteur Caussin et à celle de l’institut.
Avant votre licenciement, avez-vous pensé à faire marche arrière ?
Je ne pouvais pas abandonner : j’étais le chef d’un des pôles les plus importants de l’Institut, avec en charge une grande partie de mon équipe qui me soutenait. Et puis, je rappelle que le docteur Christophe Caussin était sous ma responsabilité, donc j’aurais pu moi aussi être tenu pour responsable.
Pourquoi selon vous votre direction a décidé de vous lâcher ?
Il y a plusieurs raisons. Déjà, sanctionner le docteur Caussin pouvait mettre en péril financièrement tout le pôle. Et puis, se débarrasser de moi était le meilleur moyen de garder les bonnes relations financières avec Medtronic. Sur plusieurs années, ce géant pharmaceutique américain a investi des dizaines de millions d’euros auprès de l’IMM. Le deal est simple : Medtronic fabrique des salles d’opération pour l’institut et en échange, l’IMM achète son matériel. Medtronic a été condamné par le passé pour corruption et a dû verser une lourde pénalité. Depuis, la boite a signé un acte anticorruption. Du coup, si mon institut sanctionnait le docteur Caussin, c’est qu’il reconnaissait que Medtronic était le « corrupteur ». Et comme les lois américaines sont extraterritoriales, Medtronic risque gros s’il est reconnu coupable ici en France.
Avec un peu de recul, agiriez-vous de la même manière si c’était à refaire ?
Oui. Parce que même si j’ai payé un lourd tribut avec cette affaire, je me devais d’agir. Je ne le regrette pas. Aujourd’hui, j’espère que les enquêtes en cours permettront de faire toute la lumière sur cette affaire. Pourquoi Medtronic paie des prestations alors qu’il sait qu’elles sont fictives ? Pourquoi la direction de l’IMM a couvert le docteur Caussin alors qu’elle savait très bien qu’il produisait des «faux» ?
J’ai déposé plainte pour des faits de «corruption» auprès du parquet de Paris qui a ouvert une enquête préliminaire en mai 2021. Je fais confiance en la justice pour répondre à toutes ces interrogations.