Le Congrès américain se penche sur la situation politique en Tunisie

 Le Congrès américain se penche sur la situation politique en Tunisie

La Commission des Affaires étrangères relevant de la Chambre des représentants du Congrès des États-Unis a tenu ce soir 14 octobre (13h00 heure des USA) une séance plénière extraordinaire consacrée à l’examen de l’état de la démocratie en Tunisie ainsi qu’aux prochaines étapes à entreprendre à l’égard du pays (« Tunisia: Examining the State of Democracy and Next Steps for U.S. Policy »).

Organisée suite aux efforts de lobbying de plusieurs élus démocrates, l’audition a rassemblé plusieurs intervenants en distanciel, dont Elie Abouaoun de l’Institut des États-Unis pour la paix, la tunisienne Amna Guellali d’Amnesty international, Alexis Arief du Congressional Research Service, et Eddy Acevedo du think-tank Wilson Center, également responsable USAID. Etait également présents l’élu démocrate Tomasz Malinowski pour qui « ce qui s’est passé en Tunisie était clairement un coup d’Etat ».

Si au cours de cette heure et demie de débat, les intervenants ne sont pas tombés d’accord sur les recommandations telles que la suspension des aides militaires à la Tunisie, un consensus s’est dégagé en revanche sur la difficulté face à laquelle se trouve l’administration Biden pour répondre à une situation complexe : « que faire face à un dictateur visiblement populaire auprès des Tunisiens ? ».

La question de la légalité du gouvernement de Najla Bouden a aussi été soulevée, dans la mesure où « ses ministres ont prêté serment sur une Constitution suspendue », a fait remarquer Alexis Arief. Tandis que Amna Guellali a déploré que ce gouvernement qui compte 9 femmes « dispose de pouvoirs dérisoires », l’ensemble de l’exécutif étant aux mains du président. « Un imbroglio dont il faut aider la Tunisie à sortir le plus tôt possible », a conclu Eddy Acevedo qui a souligné le statut symbolique de la Tunisie en tant que dernier survivant du Printemps arabe, « un statut désormais obsolète ».

 

Fuite en avant

Devançant la session, le président de la République Kais Saïed a réagi publiquement à deux reprises dans la même journée de jeudi : dans la matinée d’abord, en présidant le premier conseil des ministres du gouvernement Bouden où il s’est étonné que soient « à l’ordre du jour d’une Assemblée d’un pays étranger les affaires de la Tunisie ». Puis quelques minutes avant le coup d’envoi des auditions, moment qu’a choisi le chef de l’Etat tunisien pour convoquer l’ambassadeur des Etats-Unis, Donald Blome, au Palais de Carthage pour lui faire part du « mécontentement de la Tunisie à propos de la planification de cette séance plénière ».

« Certains Tunisiens tentent de déformer la réalité des faits en Tunisie et ils trouvent une oreille attentive à l’étranger », a-t-il dit au diplomate. Dans la matinée, Saïed a annoncé avoir retiré à l’ancien président Moncef Marzouki son passeport diplomatique, après avoir demandé à la ministre de la Justice d’instruire une plainte au pénal contre lui pour son rôle présumé dans le report du Sommet de la Francophonie. Hier mercredi, le Bureau de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) a par ailleurs décidé de suspendre la section tunisienne.

Quelques jours auparavant, le président Saïed avait vilipendé les agences internationales de notation financière, « pourquoi vouloir nous évaluer, qu’ils nous notent en C ou même en Z […] Ils doivent respecter la volonté du peuple ! », s’était-il exclamé. Des propos qui font craindre à de nombreux observateurs le risque grandissant d’un isolement de la Tunisie sur la scène internationale.

Mise à jour : Jeudi soir, l’agence Moody’s a officiellement dégradé la note souveraine de la Tunisie de B3 à C1 avec maintien de perspectives négatives.