L’Algérie dit refuser toute ingérence étrangère en Tunisie
Réagissant pour la première fois devant les médias à propos du coup de force en cours en Tunisie, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a affirmé que « les récents développements en Tunisie sont une affaire interne », et que le pays est en mesure de résoudre ses problèmes seul et sans pression étrangère.
« L’Algérie refuse d’exercer toute pression sur la Tunisie et de s’immiscer dans ses affaires internes », a ainsi martelé Tebboune lors d’une entrevue périodique avec des représentants des médias nationaux, précisant que l’Algérie refuse, « au nom des citoyens et en son nom, l’ingérence dans les affaires internes des autres y compris l’affaire interne de la Tunisie ».
« Nous n’imposons absolument rien à la Tunisie, nous tendons la main à ce pays frère et sommes à ses côtés dans les bons moments comme dans les pires », a-t-il poursuivi, tout en réitérant sa foi en « le génie tunisien » et le fait qu’il ne pouvait pas rendre public tout ce que le président tunisien lui aurait appris.
Se voulant manifestement rassurant, il ajoute lors du même entretien que « la Tunisie est en passe de parvenir à des solutions à ses problèmes », estimant cependant que cette crise est « peut-être survenue suite au choix par la Tunisie d’un régime inadapté au tiers-monde, mais ce qui se passe demeure une affaire interne ».
Une allusion au régime parlementaire mixte qui n’est pas passée inaperçue en Tunisie où les détracteurs du coup de force de Kais Saïed ne croient pas au credo supposément non-interventionniste de la présidence algérienne. Car si les pressions françaises pour un retour à l’ordre constitutionnel en Tunisie peuvent se sentir visées par ces déclarations d’Alger, cette sortie de Tebboune ne cible sans doute pas uniquement Paris.
Une diplomatie de la realpolitik
Avant cette prise de parole publique, Alger surveillait en réalité avec inquiétude les développements politiques qui ont lieu en Tunisie depuis le 25 juillet. Non seulement le président algérien Abdelmadjid Tebboune avait appelé son homologue tunisien à deux reprises en quatre jours, mais son ministre des Affaires étrangères, mais Ramtane Lamamra avait effectué deux visites en Tunisie durant la même période, premier diplomate à faire le déplacement dès le 27 juillet avec une importante délégation, suivi dans la même journée par le chef de la diplomatie marocaine Nasser Bourita.
Une inquiétude autour du risque d’une dégradation de la situation tunisienne qui avait même fait les titres de la presse internationale, même si pour la presse algérienne, l’Algérie se positionne « à équidistance entre les différents protagonistes de la scène politique tunisienne ».
Elu président deux mois à peine après l’élection de Kais Saïed aux mêmes fonctions fin 2019, Tebboune avait été chaleureusement félicité par Saïed. Une entente cordiale qui avait étonné certains observateurs à l’époque qui voyaient en Tebboune un certain retour à l’autoritarisme en Algérie, et ne connaissaient du mystérieux Saïed que son enthousiasme affiché pour la révolution de 2011.
D’autres encore n’ont pas oublié que pendant la décennie écoulée, le pouvoir algérien a toujours réservé une place de choix au leader islamiste Rached Ghannouchi, hôte régulier reçu avec des honneurs remarqués notamment pour son rôle de médiateur en Libye, en 2015 et 2017.
Lisibles il y a encore quelques mois, les luttes entre axes géopolitiques de la région le sont beaucoup moins aujourd’hui où les conflits et les alliances d’hier sont en pleine reconfiguration. Pour de nombreux observateurs, l’Algérie, très soucieuse de l’intégrité de ses frontières, bénéficierait indirectement de l’amenuisement du rôle des Emirats en Tunisie. Bien qu’encore influents, ces derniers sont supplantés par un nouvel axe, celui du Caire et de Ryadh, davantage à la manœuvre après le rapprochement qualifié d’historique entre Saïed et al-Sissi.