L’âgisme, un enjeu mondial révélé par la pandémie Covid-19
Aujourd’hui, il y’a environ 600 millions de personnes âgées de 60 ans et plus dans le monde. Selon l’OMS, ce chiffre va doubler d’ici à 2025 et atteindra 2 milliards d’ici à 2050, et les pays en développement compteront la grande majorité des personnes âgées. Même, si dans la plupart des pays européens et aux États-Unis, la vieillesse commence à partir de 65 ans, l’allongement de la durée de vie est, de plus en plus, pris en compte pour évoquer un quatrième âge incluant les personnes âgées de 80 ans plus. De ce fait, compte tenu du vieillissement de la population et de l’augmentation de l’espérance de vie, la valorisation de la jeunesse risque de faire des personnes âgées les principales victimes de l’âgisme.
Âgisme : Origine et définition
C’est en 1969, aux États-Unis, que le gérontologue Robert Butler a créé le terme âgisme, en faisant référence aux discriminations touchant les personnes âgées. En 2014, les pays du monde entier ont reconnu que l’âgisme est à la fois la source commune, la justification et l’élément moteur de la discrimination fondée sur l’âge.
Depuis, la définition de l’âgisme s’est élargie, en regroupant toutes les formes de discrimination et d’exclusion fondé sur l’unique critère de l’âge. Selon l’Observatoire de l’âgisme, l’âgisme est pour l’âge ce que le sexisme est au sexe ou ce que le racisme est aux « races ».
Dans le cadre de cet article, nous allons nous pencher, plus spécifiquement, sur l’âgisme qui véhicule tout type de stéréotypes négatifs sur la personne âgée, pouvant entrainer des réactions hostiles à son égard ou à l’égard de la vieillesse.
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L’âgisme est-il véritablement un problème ?
L’impact de l’âgisme est souvent sous-estimé, même si certaines recherches ont montré que, dans de nombreuses sociétés, l’âgisme pourrait être plus répandu que le sexisme ou le racisme.
Le récent rapport de l’OMS consacré à l’âgisme montre combien la pandémie de Covid-19 en a révélé l’étendue. En effet, alors que les personnes agées de 65 ans et plus, étaient les premières victimes du Covid-19, la riposte à cette crise sanitaire avait amplifié, dans le discours public et à travers les médias sociaux, les stéréotypes, préjudices et discriminations à leur égard. Dans certains pays occidentaux, l’engorgement des services hospitaliers durant cette pandémie, avait même ouvert le débat sur la nécessité d’utiliser l’âge comme seul critère pour déterminer l’accès aux soins appropriés. Cette discrimination par l’âge avait fait un tollé et provoqué beaucoup de réactions d’indignation !
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Conséquences de l’âgisme sur la santé des personnes âgées
Certaines recherches (Levy et coll., 2012) ont démontré l’impact de l’âgisme sur la santé des personnes âgées et dont les conséquences peuvent être à la fois d’ordre structurel et individuel.
– Les conséquences d’ordre structurel portent, entre autres, sur l’accès aux soins de santé et l’exclusion des essais cliniques. Il a été établi que la stigmatisation, liée à l’âge, influence les actes des professionnels de la santé vis-à-vis des patients âgés. Dans le domaine de l’oncologie, les patients âgés cancéreux restent souvent exclus des essais cliniques, comme par exemple, aux États-Unis, entre 1996 et 2002, 68 % des patients inclus dans les essais cliniques contre le cancer avaient entre 30 et 64 ans alors que seulement 8,3 % avaient entre 65 et 74 ans (Murthy et coll., 2004).
Cette discrimination touche également le domaine de la neurologie, près de la moitié des essais cliniques sur la maladie de parkinson excluent les personnes âgées qui sont pourtant les plus touchées par cette maladie.
– Les conséquences, d’ordre individuel, qui y sont associés se rapportent à une mauvaise qualité de vie (conditions de vie qui se dégradent) ; des comportements à risque pour la santé (consommation alcool, tabac, mauvaise alimentation, etc) et un isolement social plus profond, entrainant une diminution de qualité de vie et de la longévité. D’autres recherches soulignent les effets de la stigmatisation associée au vieillissement, sur la santé physique et mentale des aînés (Mechakra Tahiri S.D et coll., 2015). L’OMS rapporte que 6,3 millions de cas de dépression dans le monde seraient attribuables à l’âgisme.
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Qu’en est-il au Maroc ?
À l’instar des autres pays en développement, le Maroc n’échappe pas au vieillissement démographique de la population, qui se traduit par une augmentation des personnes âgées du fait de l’allongement de l’espérance de vie et de la chute de la fécondité.
Selon les données rapportées par le Haut-Commissariat du Plan (HCP, 2006), aux environs de 2024, le rapport (âgés/jeunes) serait de 60 personnes âgées de 60 ans pour 100 jeunes de moins de 15 ans. Les régions à faible fécondité, telles que Rabat-Salé-Zemmour-Zaer, l’Oriental et le Grand Casablanca semblent les plus touchées par le vieillissement. Selon certaines estimations, les personnes âgées de plus de 60 ans constitueront 15 à 21 % du total de la population marocaine en 2050, contre 8 % en 2004 (Sajoux et Nowik, 2010).
Face à ce défi démographique, peut-on craindre que l’âgisme, jusque-là étranger à la société marocaine, ne commence à s’infiltrer dans les mentalités et à se banaliser ?
Dans le système de valeurs qui prévaut au Maroc, on peut dire que le respect de la vieillesse prédomine et que globalement, la famille remplit son rôle fonctionnel dans la protection des personnes âgées au nom des valeurs ancrées dans la culture arabo-musulmane.
Mais, selon le psychosociologue Mustapha Chagdali « les valeurs traditionnelles et les conditions de vie transformées par une certaine mobilité sociale ne permettent plus de garder le même regard envers les personnes âgées… ».
En effet, force est de constater que, de nos jours, la modernisation de la société marocaine risque d’entrainer une détérioration des liens sociaux et de favoriser l’émergence de nouvelles valeurs individualistes. Également, les inégalités sociales et économiques existantes, feront que prendre de l’âge deviendra une vie problématique pour les plus fragiles.
Que conclure ?
Dans son livre « la Vieillesse » Simone Signoret souligne que « tout vieux a été jeune, mais tout jeune n’a pas eu, comme chaque vieux, le privilège de mettre à distance les vacarmes du temps qui obstruent l’intensité du présent … ».
D’où l’importance, d’instaurer, pour toutes les générations, une meilleure connaissance du vieillissement. Ce serait déjà un premier pas pour lutter contre ce fléau insidieux.
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