La WOWSA dément l’homologation de la performance de Nejib Belhadi
Fact-checking : L’Organisation mondiale de natation en eaux libres (WOWSA) a réagi aujourd’hui mardi 21 juin, affirmant n’avoir reçu aucune notification du challenge du nageur tunisien Nejib Belhedi (69 ans), de parcourir à la nage la distance de 155 kilomètres, entre l’île italienne de Pantelleria et la station balnéaire de Hammamet.
L’homme affirme avoir continuer à nager pendant son sommeil, concédant cependant qu’il a eu recours à quelques escales à bord d’un bateau « pour des raisons de sécurité »
L’autorité sportive dont prétendait dépendre le septuagénaire a donc tranché. Cela vient clore définitivement le débat dans cette affaire qui agite depuis peu les Tunisiens, entre incrédules, sceptiques, et ardents défenseurs du personnage.
Suite aux allégations du nageur tunisien dans plusieurs médias nationaux assurant que sa performance avait été effectuée sous la supervision de fédération « Wowsa », celle-ci a catégoriquement démenti cela dans un communiqué, affirmant n’avoir été notifiée ni à l’avance, ni a posteriori de cette traversée, ce qui empêche naturellement par conséquent toute validation.
L’approximation et l’imposture à l’épreuve de la physique et de la biologie
L’Association mondiale de natation en eau libre (WOWSA) est l’une des nombreuses organisations de natation de canal et de marathon établies dans le monde. Les nageurs solitaires et de relais qui souhaitent recevoir une ratification de l’Association doivent ainsi en suivre les règlements, un cahier des charges précis. Dans cette publication intitulée « Nejib Belhedi’s Swim from Italy to Tunisia », l’organisation souligne :
« WOWSA n’a pas aidé à la planification de la pré-natation ni ratifié la nage de Nejib Belhedi de l’Italie à la Tunisie. WOWSA n’a pas reçu d’informations avant ou après la baignade de Belhedi ou de l’un de ses membres d’équipage.
L’individu a été encouragé par l’International Marathon Swimming Hall of Fame à avoir des observateurs sur son bateau. Afin de ratifier officiellement une natation, les journaux d’observation des pilotes, des observateurs et de l’équipage sont une nécessité établie dans la natation en canal et en marathon. Nejib Belhedi le sait bien depuis sa traversée de la Manche en 1993.
Les journaux des observateurs comprennent des observations horaires de la température de l’eau, de la température de l’air, de la vitesse ou de la force du vent, de la fréquence des pulsations cardiaques par minute, des observations générales des conditions de l’eau, des aliments, des événements notables, des rencontres avec la vie marine, de l’alimentation ou encore de l’hydratation.
De plus, afin de ratifier une traversée, des données de suivi sont requises – des données originales/brutes provenant d’un appareil de suivi GPS tel qu’un SPOT Tracker, une montre GPS ou une application pour smartphone. WOWSA recommande d’utiliser au moins deux dispositifs de suivi simultanément en cas de défaillance d’un dispositif.
Jusqu’à ce que ces informations post-natation soient reçues et examinées, WOWSA – comme toutes les autres organisations établies de natation de canal et de marathon – ne ratifie pas une traversée », conclut l’organisation.
Outre les déclarations du médaillé olympique tunisien Oussama Mellouli qui a qualifié la chose de « plus grand mensonge de l’histoire du sport tunisien », des témoignages sont venus corroborer le doute autour de la traversée :
L’amateurisme du ministère des Sports
Samedi dernier, le ministère de la Jeunesse et des Sports s’était empressé de publier sur son portail officiel un texte saluant la performance de Belhadi, le félicitant d’avoir parcouru la distance en « 60 à 70 heures », reprenant semble-t-il telles quelles les affirmations non vérifiées de l’ancien athlète qui s’entête à ne pas prendre sa retraite.
Mais dès le lendemain, le ministère retire sa publication, et annonce son intention d’ouvrir une enquête sur les modalités de la performance, face à ce qu’il appelle une « campagne de scepticisme ».
Si le commun des mortels peut avoir été floué par l’attroupement de caméras à l’accueil de l’homme âgé le 18 juin, pour en déduire que le challenge avait été dûment documenté, il en est tout autrement du manque de rigueur de l’autorité de tutelle gouvernementale, dont les félicitations étaient allées vite en besogne, ce qui discrédite sa com’.
Pour l’expérimenté journaliste sportif Mourad Zeghidi, ancien notamment de Canal+, œuvrant actuellement à la radio tunisienne IFM, « il est temps que nous autres médias fassions notre auto critique : nous étions parmi les caméras qui s’étaient ruées à l’arrivée, plage de Hammamet »n déplore-t-il. Zeghidi ajoute que la corpulence (taux de masse graisseuse) du nageur rend très peu probable une performance d’endurance marathonienne de ce type.
L’épisode devra servir de leçon quant à ce que certains appellent syndrome des gloires fictives, lorsque dans certains environnements favorables aux mythes urbains, le désir de croire aux contes héroïques l’emporte parfois sur la raison.