La Tunisie sur le point d’obtenir le déblocage d’un prêt du FMI ?
Suite à la signature d’un accord, bien que tardif, entre le gouvernement Bouden et la centrale syndicale UGTT actant une augmentation des salaires du secteur public, toutes les conditions sont à présent réunies, en théorie du moins, pour présenter au FMI un dossier complet comprenant les grandes réformes requises par le Fonds.
C’est en tout cas ce qu’a déclaré lundi le porte-parole du gouvernement, Nasreddine Nsibi, qui cumule cette fonction avec celle de ministre de la Formation professionnelle et de l’Emploi. Le dossier serait désormais admissible, techniquement, après que le gouvernement tunisien a répondu aux diverses conditions nécessaires, selon la même source.
Le dossier est en effet au stade d’approbation finale par les cadres techniques du Fonds monétaire international dits « Staff Level Agreement », précise Nsibi, considérant que le dossier serait en passe d’être approuvé dans le courant des prochaines semaines, « très probablement pendant le mois d’octobre 2022 ».
Si cette date reste tardive pour sauver des finances publiques en détresse, le déblocage du prêt sauverait l’Etat tunisien de solutions du dernier recours, telles qu’un rééchelonnement de la dette. Car l’obtention d’autres prêts, notamment de la part de pays tiers, reste suspendue à l’accord déterminant avec le FMI. Au moment où les négociations se poursuivent, deux agences majeures de notation viennent consolider l’a priori positif des officiels tunisiens.
Les agences Fitch et Moody’s plutôt optimistes
Après Fitch Ratings, c’est au tour de l’agence de notation Moody’s de réagir à l’accord conclu, dès le 15 septembre 2022, entre le gouvernement tunisien et l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) concernant une hausse de 5% des salaires du secteur public pour les trois prochaines années. Un accord en vertu duquel l’UGTT s’engage à une trêve de 3 années d’abstention de réclamer des hausses supplémentaires. Aujourd’hui 19 septembre, Moody’s qualifie ainsi cet accord avec les partenaires sociaux « d’étape clé » vers un nouveau programme avec le FMI, relevant toutefois que des « obstacles subsistent ».
L’agence tempère son optimisme en évoquant les conditions de financement intérieur et extérieur « difficiles », estimant que les besoins de financement du gouvernement tunisien restent hauts, à 15 – 20% du PIB par an, jusqu’en 2025, ce qui avait entre autres motivé l’abaissement historique de la note souveraine du pays.
« Ces besoins ne pourraient être satisfaits que grâce au déblocage d’un financement concessionnel dans le cadre d’un nouvel accord avec le FMI », conclut l’agence, rappelant que « le rôle du gouvernement en tant qu’employeur de dernier recours, durant la dernière décennie, s’est traduit par des ajouts constants d’effectifs et de salaires dans le secteur public ». La maîtrise de la très importante masse salariale de la fonction publique, qui s’élevait à 15,4 % du PIB en 2021 (près de 700 mille fonctionnaires), fut politiquement difficile sans le soutien de l’UGTT, selon Moody’s.
Le FMI avait précédemment appelé à un large consensus impliquant les partenaires sociaux, y compris les syndicats, et d’autres parties prenantes, avec un engagement à soutenir les réformes qui les impliquent.
Mais les tensions sociales récurrentes de la dernière décennie sur fond d’une faible croissance et de création d’emplois insuffisante, ajoutées à une gouvernance affaiblie et un paysage politique fragmenté, ont mis les gouvernements successifs dans l’incapacité de mettre en œuvre des réformes et de remédier aux déséquilibres budgétaires.
Moody’s prévoit par ailleurs un creusement du déficit budgétaire sur le reste de l’année, pour atteindre 8,6% du PIB pour l’ensemble de 2022, en raison de l’impact des prix de l’énergie et des denrées alimentaires sur la facture des subventions. Le déficit du compte courant atteindrait près de 10 % du PIB cette année, après s’être rétracté à 5,9% du PIB en 2021.
Une fois obtenu, un accord avec le FMI constituerait un sursis politique pour l’actuel pouvoir, au moment où la levée de certaines subventions alimentaires et énergétiques laisse présager d’une forte grogne sociale hivernale.