La Tunisie se dirige-t-elle vers un défaut de paiement ?
« Si la Tunisie s’effondre, cela risque de provoquer des flux migratoires vers l’UE et entrainer une instabilité dans la région MENA. Nous voulons éviter cette situation », a affirmé hier soir lundi à Bruxelles le chef de la diplomatie, Josep Borrell, le ton grave.
La faible adhésion au projet Kais Saied ne fait pas illusion même si on veut faire croire que 30% de participation pour une constitution ou 11% pour un parlement, ça passe. Il insiste pour que ce soit KS qui signe l'accord (c’est inédit). Il parle d'un pays au bord du gouffre. pic.twitter.com/jBSBzfSjJt
— Papillon (@Papiillon) March 20, 2023
L’Union européenne s’inquiète de la détérioration de la situation politique et économique en Tunisie à vitesse grand V. C’est la première fois que l’UE dit publiquement redouter un effondrement du pays, une expression évoquée à deux reprises hier par Borrell, en langue anglaise puis en français.
L’UE exige désormais la signature du président Saïed
Les ministres européens ont ainsi demandé à la Belgique et au Portugal d’envoyer des représentants en mission en Tunisie afin de mener « une évaluation de la situation pour permettre à l’UE d’orienter ses mesures », a-t-il précisé. « L’Union européenne ne peut pas aider un pays incapable de signer un accord avec le Fonds Monétaire International », a-t-il clairement soutenu.
« Le président Kais Saied doit signer avec le FMI et mettre en œuvre l’accord, sinon la situation sera très grave pour la Tunisie », a-t-il insisté. Cela se savait déjà dans les coulisses des instances européennes et internationales qui ne sont pas dupes du caractère décoratif du gouvernement Bouden dont la signature n’engage plus le pays, cela a dorénavant le mérite de la clarté : rien ne se fera sans la signature du président Saïed qui détient en réalité l’intégralité du pouvoir exécutif.
L’arrivée d’émissaires de l’Union européenne n’a pas tardé, puisque conduite par Gert Jan Koopman, directeur général pour le Voisinage et les négociations d’élargissement, Johannes Luchner, directeur général adjoint chargé des migrations et Luigi Soreca, Envoyé spécial pour les aspects extérieurs des migrations, une première délégation est arrivée à Tunis en ce mardi 21 mars 2023.
La visite est « l’occasion d’une discussion approfondie sur l’état d’avancement du partenariat Union Européenne-Tunisie » peut-on lire dans un communiqué. Dans ce cadre, il est prévu plusieurs rencontres avec des acteurs institutionnels, notamment le ministre de l’Économie et de la Planification, le ministre des Affaires sociales, la ministre de l’Energie, le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères et des représentants du ministère de l’Intérieur, ainsi qu’avec des partenaires européens et internationaux de l’Union européenne présents en Tunisie et des acteurs non-étatiques.
Réponse cinglante du ministère des Affaires étrangères tunisien
« Les Tunisiens ont pris connaissance et certainement bonne note de la déclaration faite par le Haut Représentant de l’Union Européenne pour les Affaires Etrangères et la Politique de Sécurité, le 20 mars 2023, jour de la fête Nationale de la Tunisie, et qui coïncide avec la fête de la Francophonie, dont la Tunisie est co-fondatrice, et Présidente en exercice.
Les propos prononcés sont disproportionnés tant au vu de la résilience bien établie du peuple tunisien tout au long de son histoire, que par rapport à une menace migratoire vers l’Europe en provenance du sud. Ces propos sélectifs continuent d’ignorer toute responsabilité dans la situation qui a prévalu en Tunisie et ailleurs, notamment depuis 2011 et jusqu’au 25 juillet 2021 », pouvait-on lire dès le lendemain sur la page officielle de la diplomatie tunisienne. Même si on ne comprend pas vraiment la pertinence de la référence qui est faite à la francophonie, le nouveau ministre des Affaires étrangères Nabil Ammar y entend visiblement hausser le ton, mais aussi définir de nouvelles alliances alternatives, puisqu’on peut lire plus loin :
« Saluant le soutien constructif de plusieurs partenaires dont l’Italie voisine, la Tunisie reste ouverte à un partenariat responsable, respectueux, et d’égal à égal avec tous ses partenaires ». C’est en effet à l’initiative de l’Italie de Giorgia Melloni, elle-même leader populiste d’extrême droite, que la Tunisie fut remise à l’ordre du jour de la réunion des ministres européens hier lundi. Une insistance qui reflète en réalité davantage la préoccupation anti nouveau risque migratoire de l’Italie à ses portes qu’un quelconque soutien à la Tunisie, même s’il est clair qu’un rapprochement idéologique entre droites radicales populistes est en cours entre les deux côtés de la méditerranée.
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