La Tunisie et le spectre de l’isolement international

 La Tunisie et le spectre de l’isolement international

Au moment où les velléités répressives du pouvoir y semblent en roue libre, l’Union européenne exprime sa « préoccupation » face aux développements récents en Tunisie.

Dans la nuit de vendredi à samedi 25 février, deux nouvelles arrestations ont ciblé l’opposition tunisienne : les avocats et anciens ministres Ghazi Chaouachi et Ridha Belhadj ont ainsi été interpelés et leurs domiciles respectifs ont été perquisitionnés dans le cadre de la même affaire de complot contre la sûreté de l’Etat.

« L’Union européenne suit de près et avec préoccupation les développements récents en Tunisie, un voisin très proche auquel nous lie un partenariat profond et stratégique », a indiqué le Haut représentant de l’Union Européenne, Josep Borrell, dans une déclaration publiée sur le site de l’UE.

La même source ajoute : « L’Union Européenne espère que les autorités tunisiennes sauront trouver les réponses adéquates aux nombreux défis actuels et futurs du pays ». « En tant que partenaire de longue date, nous sommes également très inquiets de la détérioration de la situation économique, en particulier, et de l’impact social que cela risque d’entrainer », déplore Borell, sans détour.

Insistant depuis plusieurs mois sur la nécessité de l’idée d’« inclusion » des partenaires sociaux et des corps intermédiaires, exclus de la doctrine du président Kais Saïed, le Haut représentant de l’UE affirme ensuite qu’« il est crucial que les différentes forces politiques et sociales en Tunisie travaillent ensemble sur un projet commun et inclusif pour le pays ». Il a à ce titre rappelé qu’en tant que Haut représentant, il est en contact avec ses collègues européens et a prévu de discuter avec eux de la Tunisie lors du prochain Conseil affaires étrangères de mars », lit-on de même source.

Plus circonspect, probablement en raison de son statut de nouvel ambassadeur à Tunis, l’ambassadeur des Etats-Unis en Tunisie, Joey R. Hood, a assuré dans une interview accordée au quotidien Assabah dans son édition du 23 février 2023 qu’il souhaitait doubler la coopération économique entre les deux pays, et que la collaboration se poursuit en matière de renseignement antiterroriste. Mais le diplomate a cependant reconnu la baisse de moitié de l’aide militaire américaine, affirmant que son pays souhaitait d’abord s’assurer que la Tunisie s’oriente ou non vers un retour à la voie démocratique.

 

L’activiste Adnane Belhajamor met en garde, à partir d’exemples historiques, contre la tentation de l’isolement et ses dérives

L’expulsion d’Esther Lynch ne passe pas

Par ailleurs la polémique ne retombe pas en Tunisie et à l’international depuis que le président tunisien a ordonné le 18 février l’expulsion de la plus haute responsable syndicale de l’Union européenne pour des déclarations qualifiées par Carthage d’« ingérence flagrante » dans les affaires intérieures du pays. « Sur ordre du président Kais Saied, les autorités tunisiennes ont ordonné le départ d’Esther Lynch », la secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats, a indiqué la présidence.

Lynch avait pris part à Sfax à une manifestation organisée par l’Union générale tunisienne du travail (UGTT). Après avoir pourtant soutenu le coup de force présidentiel du 25 juillet 2021, la centrale syndicale tunisienne est en guerre ouverte depuis quelques mois à son tour avec la présidence de la République qu’elle dit être derrière un harcèlement judiciaire de certains de ses responsables, en guise de réponse du Palais aux initiatives de dialogue initiées par l’UGTT.

Venue apporter la « solidarité de la part de 45 millions de travailleurs en Europe », Esther Lynch s’est adressée à la foule réunie dans ce bastion historique du syndicalisme tunisien qu’est la ville de Sfax : « Nous disons aux gouvernements : ne touchez pas à nos syndicats, libérez nos dirigeants » a-t-elle notamment déclamé. Suite à son expulsion, elle a promis de « porter en haut lieu » la situation des libertés syndicales en Tunisie. En mai 2022, Saïed avait déjà ordonné l’expulsion des membres de la Commission de Venise travaillant en Tunisie, en plus de la cessation de la collaboration de l’organisme européen avec le droit international qui avait émis des critiques autour de la nouvelle Constitution rédigée par Carthage.

Depuis, le branle-bas de combat est engagé : le bureau exécutif national de l’UGTT a appelé tous les travailleurs du grand Tunis à prendre part à un grand rassemblement prévu pour le 4 mars. Une manifestation censée être la consécration d’une série de mouvements de protestation lancée par l’UGTT à travers le pays.