Des kilomètres de dunes et un grain de folie

 Des kilomètres de dunes et un grain de folie

Patrick Bauer


MAGAZINE JANVIER 2018


C’est aux confins de la ville de Ouarzazate, au Maroc, qu’est né le premier trail international. Chaque année,le Marathon des Sables rassemble près de 1 500 aficionados. Cette course, réputée la plus difficile au monde, en est aujourd’hui à sa 33e édition. Rencontre avec Patrick Bauer, son fondateur. 


En 1986, ils étaient seulement 23 à prendre le départ de l’édition inaugurale de cette épreuve de 250 kilomètres, ­devenue mythique. “Nous étions obligés d’accrocher les bouteilles de Sidi-Ali (les eaux minérales d’Oulmès, ndlr) avec du Scotch et des pipettes sur nos sacs pour boire en courant”, se souvient Patrick Bauer, le créateur du Marathon des Sables (MDS). Pendant plus de dix ans, la manifestation demeure artisanale et dispose d’une modeste enveloppe, oscillant de 150 000 francs (moins de 23 000 euros), contre environ 5 millions d’euros aujourd’hui. Et c’est grâce au patronage du roi du Maroc, à l’époque prince héritier, que l’épreuve gagne ses lettres de noblesse et se pose désormais en référence dans le monde de la course. Tellement prisée que, à l’occasion de ses 30 ans, les organisateurs ont dû refuser nombre d’inscriptions. La dernière édition a réuni près de 1 300 participants originaires de 51 pays.


 


Une rencontre avec le désert et avec soi-même


Ni la guerre du Golfe, ni les intempéries, ni les tracas financiers ou les menaces terroristes n’ont freiné le développement de cette course qui se déroule depuis trente-trois ans. “Personne n’aurait pu imaginer que l’empreinte des premiers coureurs allait marquer le Sahara marocain jusqu’à aujour­d’hui”, s’enorgueillit Patrick Bauer. Il y plus de trente ans, ces “naufragés volontaires du désert” passaient pour de doux illuminés. “J’ai eu l’idée de lancer le Marathon des Sables après avoir marché 350 kilomètres dans le désert algérien pendant douze jours avec un sac de 35 kg sur le dos. Certains ont pensé que le soleil m’avait grillé quelques neurones”, s’amuse celui qui a été photographe, organisateur de concerts, délégué culturel en Afrique pour un éditeur de manuels scolaires, libraire… avant de devenir le directeur de cette course de l’extrême. “Quand on croit intensément à quelque chose, tout l’univers se plaît à réaliser nos rêves”, est l’une de ses phrases fétiches.


Patrick Bauer admet avoir eu de la chance que son MDS rencontre une croissance régulière qui a pu être maîtrisée. Quel que soit le nombre de concurrents, limité toute­fois à 1 500, l’objectif est le même : satisfaire les coureurs et garantir leur sécurité. En préservant l’état d’esprit des débuts. “Ce n’est pas seulement une épreuve où on dépasse ses limites. C’est une quête, une rencontre avec le désert et avec soi-même, une introspection. Les gens viennent me voir après pour me dire qu’il s’est passé quelque chose”, raconte Patrick Bauer, lequel met un point d’honneur à parler et écouter chacun des maillons de cet événement. Du coureur néophyte au marathonien ­chevronné, en passant par les chauffeurs des 25 bus, sans oublier la cinquantaine de médecins.


 


Une fibre humanitaire


Cette course en six étapes et en autosuffisance alimentaire est accessible à tous selon son fondateur. Elle est ouverte aux marcheurs (10 % des participants) et attire toutes sortes de profils, de 16 à 79 ans, dont 14 % de femmes mais aussi des personnes handicapées. Bienveillant, Patrick Bauer l’est à l’égard de tous ceux qui appartiennent à la “grande famille” du MDS. Ce qui n’est sans doute pas étranger au fort taux de renouvellement que connaît la course chaque année. Et son fondateur est particulièrement attentif à ceux qui courent pour de nobles causes. Le plus célèbre d’entre eux est probablement Sir Ranulph Fiennes, un explorateur anglais qui, à 71 ans, a participé au MDS en 2015 et a levé pas moins de 7 millions de livres sterling (près de 8 millions d’euros) pour l’association caritative Marie Curie. “Les fonds récoltés cette année-là par les participants anglais dépassaient de loin le budget de la course”, souligne Patrick Bauer.


Depuis 2008, les participants peuvent collecter des fonds pour des œuvres humanitaires. Parallèlement, l’organisation du MDS remet divers équipements (pompes solaires, canalisation, etc.) aux populations résidant aux alentours du parcours de l’épreuve. A Ouarzazate, le centre Sport éveil académie, qui emploie six salariés et propose éveil corporel, initiation à l’athlétisme et alphabétisation des femmes a ainsi vu le jour. “Chaque année, nous inscrivons 250 enfants et 36 mamans ont obtenu un diplôme reconnu par l’Etat marocain. Nous avons acquis un terrain, et notre fondation, parrainée par l’athlète ­Hicham El Guerrouj (quadruple champion du monde sur 1 500 mètres, ndlr), devrait, d’ici avril, emménager dans de nouveaux locaux que nous inaugurerons lors de la prochaine édition”, s’enthousiasme Patrick Bauer. Le “patron” du MDS se réjouit que le succès de la course rejaillisse sur tous.  


 


La suite de la série :


Les frères Ahansal, princes du désert


Rachid el Morabity prend le relais


Cours Dalila, Cours


Intro de la série Sport : Courir, c'est ultra tendance