Auto Retro : Des voitures de légende en héritage

 Auto Retro : Des voitures de légende en héritage

Crédit Photos : Archives Salim Bekkari


L’automobile ancienne, Salim Bekkari est “tombé dedans quand il était petit”. Aujourd’hui, ce trentenaire est à la tête d’un parc impressionnant de véhicules de collection, enrichi au fil des générations. Une véritable saga familiale sur fond de passion et de partage. 


Les chats ne font pas des chiens. Pour la famille ­Bekkari, le dicton est avéré. Le gène de la collection de voitures anciennes figure incontestablement dans son ­ADN. Tout a commencé avec Omar, le patriarche. Enfant, il joue avec le pommeau de vitesse, le volant et les pédales de la voiture de son père, à l’époque heureux propriétaire de belles automobiles : un Volkswagen Combi Transporter, une Mercedes et même une Citroën Traction Avant.



Une cinquantaine de véhicules


Devenu pilote de ligne pour la Royal Air Maroc, sa passion ne le quitte pas, sans toutefois se matérialiser dans son garage. Jusqu’au jour où, en 1975, du côté de Roches Noires, dans la banlieue de Casablanca, il tombe sur une Citroën C3 de 1923. Coup de foudre. Peu féru de mécanique, il s’empresse d’obtenir les pièces nécessaires pour la rénover, disponibles facilement à l’époque dans les stocks des garagistes. Une belle auto qu’il utilise surtout pour se faire plaisir et se rendre à l’aéroport pour aller travailler.


Omar Bekkari sillonne alors le pays en quête de­ ­voitures abandonnées, envoyées à la casse. Il déniche près de Meknès une Jaguar XK120, qu’il rénove avec ­ardeur. Quarante ans plus tard, sa collection se compose d’une cinquantaine de véhicules. “C’est comme une première cigarette, explique Salim, le fils d’Omar. Avec l’adrénaline qui monte au ­moment de leur redonner vie, peu importe le temps que ça prend – de trois mois à deux ans en général. Chaque ­voiture a une histoire particulière. D’ailleurs, on ne les vend pas. Il y a un attachement presque filial.”


 


La Rolls Royce de Barbara Hutton


Dans l’album de famille, Mercedes, Ford Mustang, Cadillac Eldorado, mais aussi des véhicules ayant appartenu à Mohammed V ou à Hassan II. Avec un petit bijou : une Rolls Royce des années 1920, récupérée à Tanger, propriété de Barbara Hutton, une riche américaine au train de vie royal. “Cette voiture est unique, construite sur mesure, elle a été commandée à la maison Rolls afin de pouvoir cheminer dans les ruelles étroites et passer le portail de sa maison.”


A l’instar de son père, Salim se lance très jeune dans la collection et la restauration de véhicules de légende. Après s’être penché sur les motorisations, la carrosserie, la sellerie, il se plonge dans les revues spécialisées rapportées par son père des ­salons de l’auto dédiés aux véhicules anciens : ­Rétromobile, à Paris, celui d’Essen, en Allemagne, ou encore d’Hershey, aux Etats-Unis. “Je suis aujourd’hui chef d’atelier, avec une vraie expertise dans le secteur de la rénovation automobile. Selon moi, il y a aussi une ­démarche artistique derrière ce travail de réparation à cœur ouvert. Au fil des années, on a pu développer un ­réseau de fournisseurs et surtout un ­savoir-faire.”


Un apprentissage qui a débuté à l’âge de 17 ans, comme un défi. “Avant de passer mon permis de conduire, mon père m’a offert une Alfa Romeo GT Throttle de 1972, avec une condition : ‘Si tu veux ton permis pour tes 18 ans, il va falloir que tu la rénoves de fond en comble de tes propres mains.’ C’était un réel challenge. J’ai adoré.” Depuis, la passion ne l’a plus quitté. Il se dit ensorcelé par “les odeurs de cuir patiné, de vieux bois, d’essence, par les vibrations du moteur sur le volant”, ému par “la sensation de leur redonner vie”. “On passe des heures à travailler dessus, mais, à la clé, la récompense est belle. Les conduire sur les routes marocaines, c’est magique.”


Malgré tout, les temps ont changé. “Dorénavant, nous importons des véhicules de légende, et on les ­restaure sur place grâce à notre savoir-faire”, explique Salim. Elu vice-président de la Fédération royale marocaine des voitures d’époque (FRMVE), il a en effet obtenu, avec le soutien du ­président Sghir Zinoune, que le Royaume autorise les importations. Et des négociations sont en cours pour faire baisser les droits de douane (40 % de la valeur de la voiture actuellement) et préserver ainsi ce patrimoine marocain.



Une agence de location


Installés à Marrakech, où ils bénéficient de l’espace requis et surtout d’un climat sec, idéal pour conserver des voitures de collection, Salim Bekkari et son père ont pris la décision d’ouvrir une agence de location d’automobiles anciennes, Lead Events. “C’était une ­solution d’urgence pour entretenir et surtout faire rouler les véhicules. On les loue à des particuliers, à des entreprises pour leurs cadres, au cinéma, au monde de la mode.” Au catalogue, entre autres, des décapotables (Ford Mustang, Cadillac Eldorado), mais aussi une Traction Citroën ou encore une 2 CV.


Au générique de films prestigieux


Cerise sur le capot, les voitures des Bekkari sont aussi au générique de films prestigieux : Mission : Impossible, OSS 117 ou Le Dernier Vol, sans oublier les shootings de mode avec Monica Bellucci ou les clips musicaux (M. Pokora, Lartiste…). Les tarifs varient de 250 à 300 euros la demi-journée, à 500 ou 650 euros la journée, selon le modèle. Le parc est impressionnant, ­allant d’une Citroën de 1923, pour la plus ancienne, à une Porsche 964 des années 1990, pour la plus récente. Et quand on demande à Salim Bekkari de n’en choisir qu’une, la réponse est sans appel : “Autant me couper une jambe. On les aime toutes. En général, celle qu’on affectionne le plus, c’est la dernière. Elle bénéficie d’une sorte de bonus d’amour, car c’est celle qu’on bichonne, qu’on restaure, celle qui captive notre attention du moment. En attendant une nouvelle arrivante…”


Une histoire sans fin, sans cesse renouvelée, que la famille Bekkari a décidé de partager. Ils ont ainsi ouvert Domaine du rétro, sorte de musée à ciel ouvert, où l’on sirote un cocktail, avec une heure de visite, agrémentée d’anecdotes et d’histoires vécues autour de ces voitures de légende. Une envie de transmission sans limites. Et ce depuis trois générations. 


MAGAZINE FEVRIER 2018


La suite de la série sport : AUTO RETRO


Le Maroc roule à l’ancienne


Le classique, c’est fantastique


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