Touche pas à ma région

 Touche pas à ma région

Crédit photos : Jean Isenmann/Onlyfrance.fr/AFP – Leboucher-ANA/Onlyfrance.fr/AFP – Tripelon-Jarry/Onlyfrance.fr/AFP – Stan Fautre/Onlyfrance.fr/AFP Guillaume Soularue/Onlyfrance.fr/AFP – Norbert Scanella/Onlyfrance.fr/AFP – Charly Triballeau/AFP


MAGAZINE DECEMBRE 2017


 


“Bourguignoule”, “Beur breton”, “Camembeur”… Les Français d’origine maghrébine habitant en province – près de deux sur trois – pratiquent souvent l’humour pour signifier leur appartenance à des cultures régionales fortes. Après le débat sur l’identité nationale, qui a positionné les enfants de l’immigration dans l’heure du choix, l’exemple catalan et ses conséquences mettent au jour la question de l’identité régionale. Est-on Arabe, Français, Corse, Breton, Algérien, Savoyard, ­Marocain, Basque, Tunisien, Chti, Alsacien ? Plus qu’un choix au singulier, certains préfèrent parler de millefeuille identitaire.


Un millefeuille dans lequel l’identité régionale est ­vécue comme une fierté par ces enfants d’immigrés qui prennent fait et cause dans la bataille nantaise de Notre-Dame-des-Landes pour un territoire qu’ils définissent comme le leur. Il en va de même pour les membres du groupe Zebda, Mouss et Hakim, qui clament haut et fort “On est Toulousains”, relevant la difficulté de la France jacobine et centralisatrice à ­reconnaître ses identités provinciales.


 


 


Mépris intra-Français


Il convient de faire le distinguo entre la capitale française et ses régions – le fameux “Paris et le désert français” évoqué par Jean-François Gravier en 1947. Un sentiment de “hogra” (mépris) intra-Français était ­jadis perceptible, symbolisé par les étiquettes péjoratives (remplacées depuis) collées sur ses boîtes aux lettres de la Poste : “Paris-banlieue”, “province-étranger”.


La ville Lumière peut aussi être un fabuleux tremplin pour qui sait mettre en avant son identité régionale. ­Ainsi, un ami m’a confié à quel point, dans le milieu ­fermé de l’audiovisuel parisien, il avait pu jouir de son appartenance bretonne. Rien d’étonnant ! On retrouve à Paris des accents venus de toute la France, facilitant des relations amicales et d’entraide entre individus sans distinction sociale, sexuelle ou ­religieuse, le sentiment régional prenant le dessus.


 


Une question de dosage


Mais le régionalisme a également son revers, qui confine parfois au racisme ou à la xénophobie, générant un sentiment d’exclusion chez certains de ses ­enfants provinciaux. Dans un pays tradition­nellement friand de bon vin et de saucisson, les musulmans se ­retrouvent à certaines occasions hors du champ de l’identité régionale. Exemple criant et caricatural : les fameuses fêtes du cochon organisées par le Front ­national (ou ses acolytes) afin de se retrouver entre “bons français”.


Si l’Hexagone est loin de la situation espagnole (à l’exception peut-être de la Corse), le débat régional n’est pas clos pour autant. Les regroupements de régions voulus par François Hollande ont encore du mal à passer, notamment en Occitanie. Reste donc à trouver, pour la France et pour ses enfants d’origine étrangère, le subtil dosage entre appartenance au terroir, ­défense d’une culture régionale forte et identification à une nation commune.  


 


La suite de la Série Société : 


Provinciaux et fiers de l'être


Mouss et Hakim : "Notre gouaille à nous, elle est toulousaine"


Enracinée dans le bocage nantais


Abdelkarim Ramdane : Un triple culture en héritage