Un commandant pour restaurer la confiance
MAGAZINE DECEMBRE 2017
Le délégué à la cohésion police-population (DCPP), créé en 2008 par le plan Espoir banlieues de Fadela Amara, est l’un des rares vestiges de ce dispositif de prévention. Avec peu de moyens, il porte une tâche immense : reconstruire du lien. Rencontre avec Serge Aranguren, le “Monsieur Population” du commissariat de Trappes.
C’est au cœur du quartier des Merisiers à Trappes (Yvelines), que le commandant Serge Aranguren nous reçoit, dans les locaux du commissariat. Ici, pas de policiers en tenue : les bureaux n’accueillent que la police judiciaire – la brigade anticriminalité (BAC) et la sécurité publique sont installées dans une autre commune.
Agé de 65 ans, l’homme a quitté ses fonctions “actives” il y a près de dix ans pour endosser le costume de délégué à la cohésion police-population (DCPP). “Mon objectif est d’arrêter le processus qui mène à la délinquance, d’éviter la case prison”, explique celui qui a passé la plus grande partie de sa carrière à la brigade criminelle de Versailles. “Derrière chaque dossier pénal, il y a un individu, une famille, un contexte… Je cherche à comprendre la mécanique pour enrayer le processus du passage à l’acte.”
Se détacher de l’image répressive
A chaque intervention, les brigades de police font un rapport de service dans lequel Serge Aranguren et son équipe puisent des informations. Ils vont aussi piocher dans les mains courantes déposées au gré des incidents de la vie. “Ici, les gens ne portent pas plainte, ils ont même des réticences à venir au commissariat par peur d’être vus. Nous sommes obligés de mettre en place des techniques proactives, des rencontres en dehors des locaux, si nous voulons être efficaces. On prend en charge tous les dossiers qui ne sont pas judiciarisés, mais qui entrent dans le domaine pénal.” Un travail de fourmi, au cas par cas.
Le commandant couvre un territoire vaste, peuplé de plusieurs centaines de milliers d’habitants. Alors, dès son arrivée, il met en place un outil qui lui permet de “happer l’intérêt” et encourager le bouche-à-oreille. C’est la naissance du “pôle psychosocial”. “Il y avait déjà une psychologue et un intervenant social qui recevaient environ 150 personnes par an”, précise-il. Aujourd’hui, la structure compte six salariés et traite 5 000 dossiers annuels. Le mot ‘police’ a volontairement été gommé pour se détacher de l’image répressive de la fonction. Mais lorsqu’il entre en contact avec les personnes concernées, Serge Aranguren se présente toujours comme commandant de police, “avec un maximum d’empathie”. Une façon subtile de jouer entre l’autorité liée à son rattachement au ministère de l’Intérieur et la main tendue aux interlocuteurs.
Un espace de dialogue et de rencontre
Derrière ses petites lunettes et sa posture assurée, le commandant Aranguren renvoie une image paternelle, ferme, mais bienveillante. Il connaît ses dossiers par cœur. Pour expliquer son travail, il s’appuie sur de nombreux exemples. Ici, une femme maltraitée sortie des griffes de sa belle-famille, là, deux collégiennes déscolarisées qu’il tente de prendre en charge. Il s’emploie aussi à trouver un travail à une mère isolée, à organiser la reconstitution d’un procès avec un groupe de collégiens ou à accompagner un couple en crise qui souhaite se séparer. A chaque fois, il s’agit de créer un espace de dialogue et de rencontre.
Un travail collectif, qui ne va pas toujours de soi, et qui constitue, pour les 111 DCPP* présents sur le territoire français, un véritable combat contre les éléments.
* Chiffre du Cesdip pour l’année 2015.
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