Les Insoumis préparent une reconquête « à l’américaine »
LA SERIE POLITIQUE : LA GAUCHE ET LA BANLIEUE
La France insoumise, en quête d’ancrage populaire, veut tenter une méthode de mobilisation importée des Etat-Unis – la méthode Alinsky –, qui entend donner tous les pouvoirs à une population pour se révolter. Explications.
MAGAZINE NOVEMBRE 2017
Non, les Américains ne font pas que servir les intérêts du “grand capital impérialiste” ! Parfois, ils ont aussi plus de quatre-vingts ans d’avance sur nos méthodes de mobilisation populaire. C’est la leçon qu’on pourrait retenir de l’engouement que provoque la “méthode Alinsky” dans les rangs mélenchonistes. Mis au point par Saul David Alinsky, sociologue et théoricien de l’autogestion, ce procédé a révolutionné l’action populaire dans les quartiers noirs américains en…1930.
Cette méthode de mobilisation, qui a influencé Hilary Clinton et Barack Obama, repose sur trois fondamentaux et autant de tabous à lever : le pouvoir, l’intérêt propre et le conflit, qu’Alinsky décrivait comme “le noyau essentiel d’une société libre et ouverte”. Son objectif est de permettre aux habitants d’un quartier ou d’un immeuble d’améliorer leur qualité de vie en se mobilisant sur des combats très concrets, face à des administrations souvent perçues comme écrasantes. En agrégeant leurs colères et leur mécontentement, on réveille les consciences politiques.
La peur de “la récupération politique”
En France, la méthode Alinsky est déjà appliquée par des associations comme Zonzon93 (prévention de la délinquance et insertion) ou encore l’Alliance citoyenne, qui milite pour plus de justice sociale. Leïla Chaibi, sa cofondatrice, a dû quitter l’association pour se lancer en politique, candidate de la France insoumise aux législatives, à Paris. Au sein de l’Alliance citoyenne, la politique n’est en effet pas la bienvenue, car le fragile maintien de la mobilisation populaire souffre de la peur panique de la récupération.
Saul David Alinsky était d’ailleurs un apolitique et un anti-idéologue. Il vouait un profond mépris à la gauche qu’il accusait d’infantiliser les classes populaires au lieu de leur donner des moyens d’être acteur de leur vie.
“Redonner du pouvoir aux gens”
Bravant cette réalité, le mouvement de Jean-Luc Mélenchon veut prendre part à la dynamique. Mais la réussite de cette méthode passe par la nécessaire conflictualité avec des institutions que la France insoumise – ou le Parti de gauche – contrôle ou cherche à investir et finalement à incarner. Que se passera-t-il quand les citoyens auront des revendications à adresser aux Insoumis au pouvoir ? Que fera la France insoumise quand ces mêmes citoyens voudront agir dans un sens qui va à l’encontre des idéologies du mouvement ?
“L’idée est de redonner concrètement du pouvoir aux gens et pour cela, il faut accepter la réalité de la conflictualité, assure Leïla Chaibi, qui pèse de tout son poids auprès des dirigeants pour mettre en place des programmes de formation à cette méthode au sein de la France insoumise. On veut créer des espaces de débats. Notre principale adversaire, c’est la résignation et pour cela, il faut parfois mettre au fond de sa poche son drapeau et ses engagements politiques.” Pas sûr que Jean-Luc Mélenchon y soit réellement prêt.
LA SUITE DE LA SERIE POLITIQUE : LA GAUCHE ET LA BANLIEUE
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