La photographie arabe au delà des clichés
Les œuvres de 50 photographes arabes ont été exposées à Paris en Septembre 2017, mettant en la vitalité et de la richesse de cette scène artistique.
Explorer la diversité des univers, des sensibilités, des approches artistiques. Donner une place majeure à la nouvelle génération. Croiser les points de vue sur le monde arabe avec ceux d’artistes d’autres continents. Présenter les œuvres de photographes auteurs, posant un regard singulier, personnel sur le monde, qui suscitent réflexion. Tel est l’ambitieux programme de la deuxième Biennale des photographes du monde arabe contemporain, organisée du 13 septembre au 12 novembre par l’Institut du monde arabe (IMA) et la Maison européenne de la photographie (MEP) dans divers lieux parisiens.
Raconter la réalité de leur pays
Parmi les 20 artistes exposés à l’IMA, on pourra découvrir les portraits de Rania Matar, artiste libano-américaine, sur l’éveil de la féminité et de la sensualité chez les adolescentes. Ou encore le travail du Syrien Jaber Al Azmeh, dénonçant, à travers des paysages désertiques, les ravages des dictatures, des guerres et du capitalisme mondial. Pour Olfa Feki, commissaire de l’exposition, plutôt qu’une thématique, il s’agissait de choisir des artistes racontant la réalité de leur pays. “Je me suis intéressée aux storytellers et non-dits de ce qui se passe dans le monde arabe. Du paysage qui raconte, d’une façon tantôt sarcastique, tantôt accablante, la réalité de la société, aux portraits qui tracent l’histoire des individus.”
Le panorama sur la Tunisie, à l’IMA, rassemblera des artistes de renom comme des figures montantes. “Ce pays manque incroyablement de structures et d’institutions culturelles, mais les photographes se sont donné les moyens d’exister sur la scène internationale”, note Olfa Feki. C’est le cas de Zied Ben Romdhane, qui ausculte la région minière de Gafsa au sud-ouest tunisien, riche en ressources mais dont la population très pauvre est marginalisée par l’Etat, au sein d’une nature rude et aride.
Les regards neufs de la jeune génération
Autre pays à l’honneur : l’Algérie, avec l’exposition “Ikbal/arrivées – Pour une nouvelle photographie algérienne” à la Cité internationale des arts. L’effervescence et les regards neufs de la jeune génération, représentée par des artistes âgés de 20 à 30 ans, méritaient d’être révélés au-delà de ses frontières. Dans la série énigmatique “Diary : Exile”, Abdo Shanan interprète l’exil comme un refuge intérieur, un rempart contre un monde artificiel, décevant, qui brise les rêves de la jeunesse. Pour que les Algériens défendent leur propre vision de leur pays, tel un miroir libre, non censuré, il a fondé le Collectif 220 avec d’autres photographes, dont Youcef Krache. Ce dernier, adepte des contrastes et du caractère intemporel du noir et blanc, présente “20 cents”, clichés sur les rassemblements lors de combats de moutons.
Enfin, avec les œuvres oniriques de Farida Hamak et celles, surprenantes et ironiques, du Marocain Hicham Benohoud à la MEP, le travail de Michel Slomka sur les Yezidis rescapés des massacres de Daech, à la mairie du IVe arrondissement, ou encore l’expérimental “The Third Image”, de Mustapha Azeroual et de Sara Naim, sur le thème de la lumière, à la Galerie Binome : l’émotion promet d’être multiple.
Un hommage sera également rendu à Leila Alaoui, tragiquement disparue après l’attentat de Ouagadougou en janvier 2016, alors qu’étaient exposés ses portraits de Marocains dans le cadre de la précédente Biennale.
La suite de la série Photographie :
Farida Hamak, la mémoire au cœur
Hicham Benohoud : « Je porte un regard critique, onirique et ironique sur le Maroc »
Hakim Benchekroun, explorateur de lieux oubliés
MAGAZINE SEPTEMBRE 2017