Hakim Benchekroun, l’explorateur de lieux oubliés
Les œuvres de ce photographe donnent à voir un Maroc méconnu. Pas de visages sur ses clichés mais des bâtiments délabrés et des villes fantômes qui racontent l’Histoire
C’est en découvrant, il y a sept ans, la ville fantôme d’Ahouli, située à 25 kilomètres de Midelt, que Hakim Benchekroun s’est lancé dans le projet Lost in Morocco. “Pendant mes études d’architecture, je suis parti en quête de lieux tombés dans l’oubli, explique le photographe. Ahouli présentait des équipements intacts mais était totalement inhabitée. Compiler les archives de la ville a été le véritable déclencheur.”
Depuis, quinze jours par an, il explore des lieux inconnus, perdus dans le paysage et encore inexplorés. Son objectif ? Donner à voir un “patrimoine d’entre-lieux”. “Pour réhabiliter le patrimoine, il faut d’abord le raconter.” En s’appuyant sur des textes universitaires, Hakim Benchekroun a ainsi retrouvé la trace d’un camp de concentration pour juifs et républicains qui avaient fui l’Espagne de Franco.
Un travail d’enquête
Dans les hauteurs de l’Atlas, le photographe a également immortalisé le sanatorium pour tuberculeux de Ben Smim, fermé en 1975 et dont les immenses bâtiments trônent encore parmi les montagnes à 80 kilomètres de Fès. “Je me base aussi sur des cartes anciennes que je croise avec la cartographie actuelle”, explique-t-il. Un travail d’enquête qui le mène à redécouvrir d’anciennes gares, à l’instar de celle de Mengoub, du côté de Figuig, plongée dans l’oubli après l’indépendance du Maroc et la fermeture des frontières.
Sur ses photos pas la moindre trace humaine, excepté celle de l’escalier céleste (Stairway to Heaven), où l’on voit un homme monter les 50 marches de la sculpture de l’artiste allemand Hannsjörg Voth, plantée au beau milieu du désert depuis 1987. “Au cours de ce reportage, j’ai eu un souci avec ma voiture et la personne sur le cliché m’a donné un coup de main”, justifie Hakim Benchekroun.
Un désir d’abstraction
Un patrimoine désolé et solitaire que le photographe immortalise en argentique et en noir et blanc. Une manière de renforcer le côté abstrait de ces lieux : “Quand j’utilisais la couleur je n’obtenais pas ce rendu d’abstraction par rapport au lieu ni le même effet de surprise. En regardant mon travail, on ne s’imagine pas du tout que les photos ont été prises au Maroc, poursuit-il. L’ouest américain est forcément une source d’inspiration pour moi. Alors qu’un travail a pu être fait sur le patrimoine de Casablanca ou Rabat, nous connaissons peu celui du reste du territoire.” Le photographe en est convaincu : il faut raconter ces endroits, “pour qu’ils puissent avoir une existence au cœur de l’imaginaire collectif marocain”.
La Suite de la série Photographie :
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MAGAZINE SEPTEMBRE 2017