Zohra Haddouch, toute la musique qu’elle aime
Cette bookeuse pour la société de production Gilbert Coullier s’est découvert un nouveau dada : les musiques actuelles du Maghreb. Elle œuvre aujourd’hui pour que ces scènes trouvent leur place.
La carrière de cette femme, qui vous accueille avec un large sourire, jeans décontracté et baskets aux pieds, commence de façon informelle, avec une bande de copains à qui elle propose son aide pour organiser la tournée de leur spectacle à l’international. Elle intègre ensuite l’équipe de Juste pour rire, qui compte dans son catalogue une jeune artiste encore inconnue nommée Florence Foresti. Cette rencontre sera décisive pour Zohra Haddouch, qui confirme ses aptitudes de “booker” en accompagnant l’humoriste pendant six mois sur les routes de France. C’est l’occasion pour elle de rencontrer les programmateurs des réseaux institutionnels et privés, et de développer son carnet d’adresses. Quelques années plus tard, elle intégrera la prestigieuse société de production Gilbert Coullier (ancien producteur de Johnny Hallyday notamment).
Un nouvel horizon
Aujourd’hui, la jeune femme gère chaque année une quinzaine d’artistes, dont Bernard Lavilliers, Véronique Sanson ou encore Nawell Madani. La préparation de chacune des tournées (parfois jusqu’à 200 dates !) requiert un sens aigu de l’organisation. Il s’agit de réaliser un véritable puzzle “tout en ménageant les artistes”, explique-t-elle. Et depuis son arrivée chez Gilbert Coullier Productions, elle a retenu un enseignement important : “le respect de la totalité des interlocuteurs”.
Zohra Haddouch aurait pu se satisfaire de sa situation. Pourtant, elle n’a pas hésité à se lancer dans un univers dont elle ignorait tout. A la suite d’une rencontre qu’elle qualifie de “fulgurante” avec l’artiste Aziz Sahmaoui, elle a entrepris, depuis deux ans, d’étudier l’industrie des musiques du monde. Un petit refrain montait en elle : “Tout d’un coup, je me suis posé beaucoup de questions : Qui es-tu ? D’où viens-tu ? Que fais-tu ? Que veux-tu défendre ?”
“Faire bouger les lignes”
Rattrapée par ses racines marocaines, Zohra Haddouch n’a eu dès lors de cesse d’explorer la réalité de la scène culturelle du Maghreb. Elle multiplie les rencontres avec des ambassades et des acteurs locaux. Son constat est abrupt : il y a un manque colossal de personnes qualifiées. Mais il en faut plus pour abattre la jeune femme, qui déclare non sans émotion : “Je sens naître en moi une conscience politique, un désir de faire bouger les lignes, de construire un réseau culturel qui tienne la route, et d’être respecté par le monde occidental pour la qualité de nos productions artistiques.”
Son visage s’illumine lorsqu’elle évoque ses conversations avec Gilbert Coullier au sujet de la naissance des salles de spectacle dans les années 1970 en France. A l’époque, ils se faisaient sous chapiteaux. Forte de ces récits, Zohra Haddouch, souhaite mettre aujourd’hui ses compétences au service de la culture au Maghreb.
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MAGAZINE JUILLET-AOUT 2017