Rap, 30 ans déjà : Demi-portion, le sourire et la plume

 Rap, 30 ans déjà : Demi-portion, le sourire et la plume

Crédit photo : Unal


MAGAZINE DECEMBRE 2017


A 34 ans, le rappeur de Sète s’impose peu à peu comme une figure du rap alternatif hexagonal. Ses maîtres mots : précision et humilité. 


Une image pour ouvrir ce portrait de Demi Portion ? Une anecdote forte, un instantané puissant ? Peut-être celle de sa montée sur scène, les larmes aux yeux, lors de la première édition du Demi-Festival de hip-hop, à Sète, en août 2016… Mais Rachid Daif, alias Demi Portion, c’est d’abord une voix. Une voix aux accents du Sud, douce et timide lorsqu’il converse, mais dense et solide au micro. Révoltée à ses débuts, plus poétique aujourd’hui. Toujours bienveillante.


 


Un “rappeur de proximité”


“Mes origines se situent entre le Maroc et Sète, dans l’Hérault, raconte l’artiste. C’est dans cette ville que j’ai appris à faire du rap.” Gamin, il fréquente les ateliers d’écriture proposés par la MJC située à 100 mètres de chez lui. Use du papier. Affûte sa plume. Tombé à 12 ans dans la marmite hip-hop, Rachid éclot sur le tard. Pour cause : à ses débuts, il faisait tout lui-même, allant jusqu’à distribuer ses productions en personne dans les boutiques parisiennes. Grâce, entre autres, à ses nombreux freestyles enregistrés dans sa ville natale et balancés sur Facebook comme des cadeaux aux auditeurs amateurs, il sort doucement de l’ombre à partir de 2008. Depuis ? Quatre albums, d’abord. Des collaborations avec Kerry James, Oxmo Puccino ou Shurik’n. Puis le Demi-Festival, une plateforme pour le rap indépendant, organisé dans sa ville natale par ses soins. La première édition est un succès : 50 000 places écoulées en quelques minutes. La seconde aussi. “Les rappeurs sont heureux de venir, se félicite l’artiste. C’est un peu comme des vacances. Ils débarquent en famille, restent le week-end…”


A 34 ans, Demi Portion – haut comme trois pommes, d’où son nom de scène – s’est forgé une image bien à lui. En trois mots : littéraire, humble, Sétois. “Tu vas voir, ce gars c’est une crème”, nous avait confié un confrère spécialisé dans le hip-hop lors de la préparation de cet article. Un “rappeur de proximité”, titrait le quotidien Libération dans un long portrait publié durant l’été. “Franchement, ça me correspond parfaitement”, commente ­l’intéressé. Dans ses textes, c’est sa ville qu’il dessine, mais son propos est plus large. Il évoque, entre autres, la France périphérique, les problèmes des quartiers populaires, le désarroi des citoyens face aux politiques. Une écriture fine pour un rap familial sans violences ni ­insultes. Trop propre, disent certains.


 


“Parler du Maroc, de mes racines”


Et le Maroc, alors ? Des souvenirs de vacances, surtout. Celui du ferry et des deux jours de voyage, aller-retour, pour passer deux mois d’été dans sa famille. “C’est un pays important à mes yeux, insiste Demi Portion. Mon papa est enterré là-bas.” A sa mort, au début des années 1990, Rachid s’est occupé de sa mère – “fan de Cheb Hasni, Najat Aâtabou” – et de ses trois sœurs en parallèle de son BEP tourneur-fraiseur. Dans un de ses morceaux, Dragon Rash (qui figure sur l’album du même nom sorti en 2014), il enchaîne quelques rimes en arabe. “Aujourd’hui, j’éprouve l’envie de parler du Maroc, de mes racines”, confesse-t-il. On écoutera d’une oreille ­attentive son prochain album.  


 


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