Jannis Sturz, la deuxième vie des inédits
Passionné de “diggin”, cette pratique qui consiste à rechercher des pépites musicales anciennes, cet archiviste a puisé dans les greniers du Maghreb et du Machrek. Sa dernière compilation “Habibi Funk-Volume 7”, vient d’être éditée par son label Jakarta Records.
Jannis Stürtz, jeune Berlinois curieux et mélomane, est à l’origine des compilations “Habibi Funk” qui, comme leur nom le laisse deviner, livrent un catalogue des musiques “groovy” nord-africaines des années 1960 à 1980. Le collectionneur allemand a fait son hobby de la recherche de pièces musicales tombées dans l’oubli : “En 2013, je suis allé au Festival Mawazine, à Rabat, avec le rappeur Blitz The Ambassador, qui figure au catalogue de mon label Jakarta Records, confie Jannis Stürtz. Je suis resté quelques jours supplémentaires et j’ai chiné dans des petites échoppes à Casablanca, au Maroc, ainsi qu’en Tunisie, des vinyles rares, notamment de Fadoul, considéré comme le James Brown de l’Atlas. Je me suis aperçu qu’il y avait plein de trésors que peu de gens connaissaient.”
“Des raretés difficiles à dénicher”
A partir de ces microsillons, Jannis Stürtz a réalisé un mix qui a rapidement fait le buzz sur les réseaux sociaux. Selon lui, l’explication de ce phénomène est simple : “L’intérêt concernant les musiques de cette région à cette période est fort et jusqu’ici peu de labels y ont répondu. Ce sont des raretés difficiles à dénicher si on ne va pas sur place.” C’est ainsi qu’un certain nombre de groupes méconnus ont été réédités via les compiles Habibi Funk : Dalton, de Tunisie ; Ibrahim El Hassan, du Soudan ; ou encore Ferkat El Ard, du Liban.
Les recherches compulsives de Jannis Stürtz s’apparentent parfois à un jeu de piste digne d’un polar. En 2016, lors d’un DJ set à Beyrouth, au cours duquel il passe des sons arabes rétro, une de ses amies lui propose de rencontrer Henya, la fille d’Ahmed Malek, un compositeur algérien dont il a acquis quatre ans plus tôt un album original : Musique originale de films. Cet enregistrement a d’ailleurs connu un tel “revival” qu’il est aujourd’hui coté sur internet à 750 euros ! “Ahmed Malek a fait partie de l’orchestre symphonique de la radio télé algérienne. Il aurait même été décoré par l’astronaute Youri Gagarine !”, détaille Jannis Stürtz.
Une malle pleine de bandes inédites
“Les Algériens ne connaissent pas forcément son nom, mais sa musique a habillé de célèbres films locaux des années 1970.” Et on n’a pas fini d’entendre parler de celui qu’on qualifie d’Ennio Morricone algérien. “Sa fille m’a ouvert une malle pleine de bandes inédites”, se réjouit Jannis Stürtz, les yeux brillants d’excitation. Dans la même veine, sur la base de K7 rarissimes glanées au fil de ses recherches, le jeune Berlinois a sorti la compilation Modern Music, consacrée à Al Massrieen, groupe emblématique de la disco égyptienne des années 1970-80. “Leur producteur était aussi derrière Mohamed Mounir, une pop star du pays à cette époque”, complète Jannis Stürtz. Bonne nouvelle, 2018 devrait réserver d’autres belles surprises. Le label berlinois a décidé de ressortir les albums de Attarazat Addahabia, un groupe mélangeant gnawa et rock psychédélique, qui ont rythmé les nuits du Casablanca des années 1960-70…
https://habibifunkrecords.bandcamp.com
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