La justice européenne ouvre la voie à l’interdiction de l’abattage rituel
La Cour de justice de l’Union européenne a statué que les États membres peuvent imposer l’étourdissement d’un animal préalablement à son abattage. La décision ouvre la voie à l’interdiction de l’abattage rituel hallal et casher. Un décret en ce sens est déjà en vigueur en Belgique. Un précédent qui inquiète les responsables des deux religions concernés.
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) rendait le 17 décembre sa décision concernant un décret pris en 2017 en Flandre belge et entré en vigueur en 2019 interdisant l’abattage rituel. Celui-ci impose aux abattoirs d’étourdir les bêtes avant de les abattre, au nom du bien-être animal.
Le Consistoire central israélite de Belgique (CCIB), rejoint par d’autres organisations juives et musulmanes, a rapidement contesté devant la justice cette réglementation au nom de la liberté religieuse. Ces organisations demandaient son annulation totale ou partielle. Selon elles, elle empêche les croyants juifs et musulmans de se procurer de la viande provenant d’animaux abattus conformément à leurs préceptes religieux.
La Cour constitutionnelle de Belgique avait à son tour sollicité la cour basée à Luxembourg pour avoir son avis sur la question soulevée par les requérants. Les associations religieuses mettaient en effet en avant l’article 10 de la Charte des droits fondamentaux dans l’UE garantissant l’exercice de la liberté de conscience et de religion.
« Un juste équilibre »
Les juges européens ont donc confirmé la validité de ce décret et affirmé qu’il ne « méconnaît pas » la liberté des croyants juifs et musulmans. Ils ont toutefois admis que ce genre de réglementation pouvait effectivement constituer « une limitation » à la liberté religieuse. Mais, cette limitation n’est pas « disproportionnée » selon eux. « La Cour conclut que les mesures que comporte le décret permettent d’assurer un juste équilibre entre l’importance attachée au bien-être animal et la liberté des croyants juifs et musulmans de manifester leur religion », dit la CJUE dans un communiqué.
Selon elle, le législateur flamand s’est appuyé sur « un consensus scientifique ». En effet, « l’étourdissement préalable constitue le moyen optimal pour réduire la souffrance de l’animal au moment de sa mise à mort ».
L’avocat général constatait cependant qu’une dérogation prévue dans le règlement européen sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort admet la pratique de l’abattage rituel. Il a donc plaidé pour que la CJUE évite que cette dérogation soit vidée de sa substance par certains États membres souhaitant adopter des mesures au nom du bien-être animal.
Le communiqué de la CJUE rappelle ce titre que le décret valable en Flandre n’empêche pas la commercialisation et la consommation des viandes hallal ou casher « originaires d’un autre État membre ou d’un État tiers ».
« Feu vert » pour interdire l’abattage rituel en Europe
L’Exécutif des musulmans de Belgique a fait part de sa « grande déception ». L’organisation a toutefois relevé que le litige n’était pas clos et que la Cour constitutionnelle belge aurait « le dernier mot ».
Même déception chez les représentants de la communauté juive. « L’Europe ne protège plus ses minorités religieuses », a déploré dans un communiqué le Comité de coordination des organisations juives de Belgique (CCOJB). Son président, Yohan Benizri, constate « un déni de démocratie ». Il rappelle notamment que l’avocat général de la Cour avait soutenu « la préservation de rites essentiels » pour certaines religions.
« C’est un coup dur, cela laisse entendre que nos pratiques ne sont plus les bienvenues », a réagi Moshe Kantor, président du Congrès juif européen. La Cour de justice « semble céder à la pression grandissante des mouvements populistes qui mènent une lutte symbolique contre les minorités vulnérables » a fustigé l’organisation dans un communiqué.
Pour l’Association juive européenne (European jewish association, EJA) l’arrêt donne un « feu vert » aux pays de l’UE pour interdire l’abattage rituel. La Fondation Brigitte Bardot a au contraire salué la décision. Elle considére en revanche que la position de l’avocat général constituait « une scandaleuse régression ».