La guerre en Ukraine pourrait affamer le Maghreb et l’Afrique

 La guerre en Ukraine pourrait affamer le Maghreb et l’Afrique

Les pays du Maghreb cherchent désespérément à sécuriser leurs approvisionnement en céréales menacés par la guerre en Ukraine.

Pris en étau entre hausses des prix, sanctions occidentales visant la Russie et productions locales insuffisantes, les pays du Maghreb pourraient pâtir durablement de l’invasion de l’Ukraine. Devant une commission parlementaire, le ministre français de l’Agriculture et de l’Alimentation Julien Denormandie a pointé un risque de « troubles politiques et sociaux de premier ordre » au Maghreb, mais aussi en Afrique subsaharienne. À plus court terme, c’est même l’approvisionnement en certains produits de base qui se complique à la veille du mois de ramadan.

Le ministre français de l’Agriculture appelle à ne pas « minimiser les risques absolument terribles » que fait peser le conflit entre la Russie et l’Ukraine sur certains pays du Maghreb et d’Afrique. Même si ces derniers se trouvent à des milliers de kilomètres du front, l’impact de la guerre peut être dévastateur.

Julien Denormandie s’exprimait vendredi devant les députés de la commission des affaires économiques. Il a alerté sur un risque de « famines » dans plusieurs pays d’Afrique d’ici « douze à dix-huit mois ». En cause, l’envolée des cours des céréales, mais aussi des huiles alimentaires. Deux familles de produits pour lesquels l’Afrique s’approvisionne généralement en Russie et en Ukraine.

 

Des troubles à venir en Afrique

Ces pays pourraient donc connaître à moyen terme des « troubles politiques et sociaux de premier ordre ». Certains d’entre eux, notamment au Maghreb, ont d’ailleurs peu de stocks de blé et « sont très dépendants de l’Ukraine et de la Russie ». L’incapacité des deux d’honorer leurs contrats en raison de l’invasion territoriale pour l’une et des sanctions occidentales pour l’autre provoque une envolée des prix. Or, plusieurs pays n’ont pas les « capacités de financement » pour faire face à ce choc tarifaire, a prévenu Julien Denormandie.

Le Burkina Faso et le Sénégal, ainsi que dans une moindre mesure le Maroc et la Tunisie pourraient rencontrer de grandes difficultés, a analysé M. Denormandie. L’Égypte, qui est « dépendante à plus de 50% des importations de blé », est dans la même situation. Le responsable rappelle à l’occasion que le Printemps arabe a eu pour « élément déclencheur » une « crise du pain ».

 

Ramadan à haut risque en Tunisie

Le mécontentement monte en Tunisie, en proie à une grave crise politique depuis quelques mois. Économiquement, le pays est au bord de la faillite et vit des aides internationales, européennes, mais aussi saoudiennes ou algériennes. En visite à Alger, le 2 février dernier, le président tunisien Kaïs Saïed a reçu de son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune, un chèque de 150 millions dollars. Un dépôt de garantie pour « aider la Banque centrale de Tunisie à obtenir des financements demandés aux institutions internationales ».

La sécheresse avait déjà accentué la dépendance du pays aux importations. Maintenant la guerre le prive de blé, à la veille d’un mois de ramadan qui s’annonce à haut risque. Dans les commerces, les prix de certains produits ont connu d’importantes augmentations, quand ils ne sont pas tout simplement indisponibles.

 

« Stock de guerre » en Algérie

De son côté, malgré une hausse de ses revenus pétroliers, l’Algérie se retrouve également en difficulté. L’exclusion des banques russes du réseau Swift complique les paiements des fournisseurs russes. À cela s’ajoute l’insécurité en mer Noire, qui a interrompu les liaisons maritimes. Alger peine actuellement à trouver d’autres sources d’approvisionnement.

Une situation que l’arrivée du mois de ramadan va encore compliquer. Traditionnellement période de festivités et de tables généreusement garnies, le mois de ramadan 2022 va être marqué par une accentuation des pénuries. Depuis de nombreuses semaines, les Algériens peinaient à acheter huile de table, sucre, pommes de terre ou farine.

Au point où les autorités algériennes ont sollicité les principaux producteurs agroalimentaires du pays. Pour se préparer à de graves perturbations du marché des céréales, elles ont réservé la production de semoule et de pâtes de certains industriels pour constituer un « stock de guerre ».