La Banque mondiale et l’UE au chevet de l’économie tunisienne

 La Banque mondiale et l’UE au chevet de l’économie tunisienne

Stefano Sannino reçu au ministère des Affaires étrangères à Tunis

En marge de la quasi cessation des activités du Fonds monétaire international dans le pays, la Tunisie se cherche des alternatives de financement auprès d’autres partenaires y compris occidentaux, même si ces derniers sont moins mis en avant par les autorités en raison de l’inadéquation de ces recours au narratif souverainiste promu par l’actuel pouvoir.

Nouvellement nommé à la tête de la Direction Générale du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et du Golfe (DG MENA), Stefano Sannino s’est ainsi rendu à Tunis du 26 au 28 février 2025, officiellement afin d’échanger avec les hautes instances tunisiennes autour du partenariat Tuniso-européen. Mais c’est le « décaissement imminent » d’une somme promise par l’UE qui était en réalité le principal ordre du jour.

 

54 millions d’euros issus d’un accord en 2023

« Cette visite a offert l’opportunité de discuter des perspectives de coopération entre l’UE et la Tunisie pour la période 2025-2027 », peut-on lire dans un communiqué en langage diplomatique. « Elle a été aussi l’occasion de renforcer et intensifier le dialogue entre les partenaires dans le cadre de la mise en œuvre du Partenariat global et stratégique (MoU) signé en juillet 2023 entre la Tunisie et l’Union européenne ».

Or, de l’eau a coulé sous les ponts depuis la signature du mémorandum en question à l’époque par le trio par la présidente de la Commission Ursula von der Leyen et les premiers ministres italien et néerlandais, Giorgia Meloni et Mark Rutte (aujourd’hui secrétaire général de l’OTAN), d’un côté, et le président Kais Saïed de l’autre. Dès le mois d’octobre de la même année 2023, le président Saïed avait en effet condamné les propos jugés condescendants de ses partenaires européens post accord. Plus récemment, en novembre 2024, c’est cette fois la médiatrice de l’UE qui avait critiqué la Commission européenne sur son accord jugé opaque, unilatéraliste et hâtif avec la Tunisie autour des questions migratoires.

C’est probablement pour en raison de ces considérations entre autres que le Directeur général Sannino a exprimé vendredi « le souhait de réaliser un saut qualitatif pour le partenariat ». D’autre part, cette visite à Tunis a également marqué le lancement des consultations sur un nouveau Pacte pour la Méditerranée, que la Commission européenne envisage d’entériner courant 2025 « afin de répondre au mieux aux défis conjoints qui se posent dans la région euro-méditerranéenne et exploiter toutes les opportunités de coopération susceptibles de concourir à une prospérité partagée ».

Pendant ces deux jours à Tunis, le Directeur général région MENA s’est réuni avec le Ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’Etranger, la Ministre des Finances, le Ministre de l’Economie et de la Planification. Sannino a annoncé le décaissement imminent du reliquat de 54 millions d’euros concernant deux programmes du partenariat tuniso-européen déjà convenus entre les parties au titre des précédents exercices de leur « coopération financière ».

Faisant preuve de bonne volonté du moins dans les discours officiels, « l’UE et la Tunisie demeurent déterminées à travailler de concert pour poursuivre la mise en œuvre du Mémorandum d’entente sur un partenariat stratégique et global, assurer la pérennité des résultats tangibles qui en ont découlé, et relever les défis communs dans un esprit de solidarité, de respect mutuel et de Partenariat d’égal à égal », peut-on lire dans le même communiqué, sans que la question migratoire ne soit nommément évoquée, au moment où l’apposition tunisienne critique « des sommes dérisoires » en contrepartie des services rendus aux frontières et en méditerranée.

 

La Banque mondiale conditionne son investissement

Par ailleurs, au même moment, le Conseil des administrateurs de la Banque mondiale a approuvé le 27 février un projet de 100 millions de dollars visant à améliorer l’employabilité des étudiants et à renforcer la qualité et la gouvernance de l’enseignement supérieur et des institutions de recherche scientifique en Tunisie.

Dans un volet plus idéologique, les réformes encouragées par la Banque mondiale qui visent en l’occurrence à « moderniser les programmes d’études », à élargir l’accès aux filières en demande et à renforcer les liens entre les universités et les employeurs se veut ouvertement libéral : « le renforcement du partenariat entre l’enseignement supérieur et le secteur privé est essentiel à la croissance économique de la Tunisie et à la création d’emplois durables, en particulier pour les jeunes et les femmes », souligne ainsi Alexandre Arrobbio, responsable des opérations de la Banque mondiale pour la Tunisie. Il s’agit là d’un autre aspect aux antipodes de la doxa présidentielle en Tunisie qui tend à privilégier l’Etat providence et le collectivisme via les entreprises dites communautaires.

Le taux de chômage en Tunisie s’est stabilisé au cours du troisième trimestre 2024 à 16%, selon les derniers indicateurs en date de l’Institut National de la Statistique (INS), publiés, vendredi, sur son site web.

Au troisième trimestre de l’année 2024, le nombre de chômeurs est ainsi estimé à 667.200 chômeurs contre 661.700 chômeurs au deuxième trimestre de la même année, soit une augmentation de 5.500 chômeurs. Alors que le taux de chômage des hommes a reculé à 13,3 % au troisième trimestre de cette année, contre 13,6 % au trimestre précédent, le taux de chômage des femmes a augmenté pour atteindre 22,1 % au cours de la même période, contre 21,3 % au trimestre précédent.