L214 : une enquête par jour avant le Salon de l’Agriculture

 L214 : une enquête par jour avant le Salon de l’Agriculture

Photo tirée d’une enquête de L214 dans un élevage de la Sarthe (72) produisant du poulet pour Le Gaulois, l’une des marques du géant LDC.

À partir de mardi 22 février et jusqu’au samedi 26 février, l’association L214 de défense des animaux diffusera une série de 5 enquêtes juste avant l’ouverture du Salon de l’agriculture, dans le but d’interpeller les candidats à l’élection présidentielle sur le fléau de l’élevage intensif et de la pêche industrielle. Comme à l’accoutumée, le travail d’investigation de L214 a révélé les conditions horrifiques de ces élevages qui manquent sévèrement à la réglementation. 

En France, plus de 80 % des animaux abattus proviennent de systèmes intensifs, c’est-à-dire d’élevages où les animaux sont entassés dans des bâtiments fermés sans aucun accès à l’extérieur, souligne l’association. Partant de ce constat, et depuis sa création en 2008, L214 a rendu publique plus de 100 enquêtes révélant les conditions dramatiques d’élevage, de transport et d’abattage des animaux en France. À partir de mardi, elle va diffuser durant toute la semaine précédent le Salon de l’agriculture 2022, qui « dresse une image idyllique et fantasmée de l’agriculture française », 5 enquêtes dans le but de mettre dans le débat de la prochaine présidentielle la protection animale.

Élevage intensif de poulets de la marque Le Gaulois

L214 dévoile des images filmées dans un élevage intensif de poulets situé dans la Sarthe, qui approvisionne Le Gaulois, marque phare du groupe LDC. La vidéo montre des images insoutenables : densités extrêmes (jusqu’à 22 poulets par mètre carré), aucun accès à l’extérieur, sélection génétique pour pousser leur croissance… Les poulets souffrent de maladies et de problèmes musculo-squelettiques, entraînant des boiteries, des fractures, des arrêts cardiaques. Certains agonisent, d’autres sont déjà morts depuis plusieurs jours : leurs cadavres se décomposent, révèle l’association.

« Les gens sont attachés au « made in France » parce qu’ils croient que c’est une bonne réputation, que c’est du sérieux. Mais moi, je suis éleveur, j’ai 36 ans d’élevage… Quand on voit la publicité à la TV, c’est que de la publicité mensongère ! Le Gaulois… Douce France… les gens sont complètement aveuglés… », déplore l’éleveur Francis Guilloteau, qui témoigne face caméra. Par ailleurs, il évoque même une injonction de la part des groupes leaders sur le marché de la viande de poulets en France, à pratiquer de l’élevage intensif.

>> Voir aussi : Thomas Saïdi (L214) nous parle de son expérience horrifique dans un abattoir Bigard

Chalutage de fond, un grand « massacre »

La deuxième enquête, filmée par l’association Soko Tierschutz, révèle des images dramatiques sur ce qu’il se passe à bord de chalutiers français et britanniques pêchant dans la mer de la Manche. En visionnant les vidéos, Lynne Sneddon, experte internationale de la biologie des animaux aquatiques, a fermement condamné cette technique de pêche, supplice pour les poissons et ravage des fonds marins. Elle a rappelé le consensus scientifique autour de la sensibilité des poissons : « Ils sont également capables d’éprouver des émotions négatives telles que la douleur, la peur et le stress, et sont très affectés par ces situations, comme le seraient les humains. »

Dans les images, on voit les longues agonies des poissons et autres animaux marins. Parmi elles, chaque poisson capturé est écrasé sous le poids des milliers d’autres poissons, ils s’asphyxient sur le pont du bateau et ce de 25 minutes à 4 heures, les poissons sont régulièrement piétinés, les poissons et autres animaux marins ne sont pas étourdis, mais découpés vivants et conscients, etc. Une des rares dispositions de la réglementation concernant les poissons exige pourtant qu’ils soient étourdis avant d’être tués.

L214 demande aux candidats à l’élection présidentielle de s’engager à interdire la pêche industrielle et la pêche au chalut de fond.

Foie gras industriel du Sud-Ouest : souffrance accrue pour les animaux et accélérateur de grippe aviaire

Plusieurs violations à la réglementation ont été mises en évidence dans le Gers, en pleine zone IGP canard à foie gras du Sud-Ouest. Les images, commentées par le chef étoilé Alexis Gauthier, montrent la non-adéquation des cages utilisées dans la production intensive du foie gras, qui entraînent des lésions systématiques chez les canards. L214 a porté plainte pour maltraitance auprès du tribunal judiciaire. L’association révèle aussi qu’avant d’être entassés dans la salle de gavage, les canards ont été déplacés à plusieurs reprises entre différentes régions, une organisation typique de la filière industrielle du foie gras, propice à la propagation de la grippe aviaire.

Le chef Alexis Gauthier, qui a banni de ses menus le foie gras, mais aussi la viande et le poisson, commente : « En 2012, la déclaration de Cambridge sur la conscience animale, m’a vraiment ouvert les yeux. Les plus éminents scientifiques en neurosciences se sont mis d’accord pour déclarer que les mammifères, les oiseaux, et bon nombre d’animaux marins avaient une conscience. Il faut qu’au niveau politique, la question de nos relations avec les animaux soit au cœur des débats, avec une priorité absolue : la sortie de l’élevage intensif et le développement de l’alimentation végétale. »

Élevage intensif de cochons des Côtes-d’Armor, adhérent à la Cooperl

L214 dévoile des images filmées dans un élevage intensif de cochons situé dans les Côtes-d’Armor, qui est proche d’une plage fermée à cause de la dangerosité des algues vertes. Les élevages intensifs comme celui-ci  jouent un rôle prépondérant dans leur développement et leur létalité. Par ailleurs, la vidéo montre l’enfer vécu par les cochons dans ce type d’élevage : enfermement, entassement, cages… De multiples infractions à la réglementation s’ajoutent à ces conditions d’élevage déjà préjudiciables aux animaux : claquage des porcelets, queues coupées de façon systématique, violences physiques… Sébastien Arsac, co-fondateur de l’association L214, précise : «  En France, 95 % des cochons sont élevés dans les mêmes conditions que celles montrées par cette enquête. »

L’un des plus grands élevages intensif de lapins en Bretagne

Dans cet élevage, les bâtiments abritent cinq fois plus de lapines reproductrices que la moyenne nationaleTous les 75 jours, 25.000 lapins sont envoyés à l’abattoir après avoir vécu dans des bâtiments clos, enfermés dans des cages exiguës au sol grillagé. Les images montrent de nombreux lapins à l’agonie, coincés entre les grilles, ou déjà morts dans leur cage. Par ailleurs, l’enfermement, la densité et la promiscuité augmentent les risques de propagation rapide de maladies. C’est ainsi que la chaîne a recours à l’usage préventif et massif d’antibiotiques. Entre le 31 mai et le 19 septembre 2021, pas moins de 112 kg d’antibiotiques ont été livrés à l’élevage. Les antibiotiques peuvent contribuer à l’émergence de résistance à ces médicaments.

L214 a porté plainte contre chacun de ces élevages qui manquent à la réglementation et qui font souffrir les animaux, et a lancé une pétition. Par le biais de ces 5 enquêtes, L214 espère un profond changement de paradigme à la veille des élections présidentielles. Pour Sébastien Arsac : « Le rejet de ce mode d’élevage est unanime : 85 % des Français sont favorables à la fin de l’élevage intensif. La majorité des candidats sont actuellement sourds à cette forte attente. Cette semaine d’enquêtes va mettre en lumière le sort effroyable des animaux, la grande précarité des éleveurs, les atteintes à l’environnement et à notre santé. Les candidats se saisiront-ils de cette question majeure ? »