Kheira Hamraoui, un avenir incertain

Alors que l’affaire Hamraoui connaît de nouveaux rebondissements avec un rapport d’enquête, publié par Le Parisien, qui met à mal son ex-coéquipière au PSG Aminata Diallo, retour sur le parcours d’une joueuse qui ne compte rien lâcher.

Par Thomas Goubin

Elle n’est jamais passée inaperçue. Avec son exubérante chevelure blonde, ses larges épaules et son mètre soixante-dix-huit, Kheira Hamraoui en a toujours imposé. Et a su s’imposer. L’internationale française aux origines kabyles appartient à cette génération de “l’entre-deux”, dixit son ex-coéquipière Marie Debruyne, où les filles devaient jouer des coudes au milieu des garçons, jusqu’au début de leur adolescence.

“Quand tu es la seule fille sur le terrain, il faut une personnalité, un caractère. Beaucoup n’osaient pas”, ajoute celle qui connaît Hamraoui depuis son enfance dans le Nord et a évolué à ses côtés à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), en 2007-2008, pour ses débuts en première division. Une autre époque pour un foot féminin qui s’est considérablement développé depuis quinze ans.

Parmi ses coéquipières, Hamraoui était alors parmi les rares à se penser un avenir professionnel, ce qu’elle avait d’ailleurs écrit sur les murs de la boulangerie familiale, à Roubaix (Nord). Les parents auraient préféré qu’elle se focalise sur les études, mais la milieu de terrain, pas vraiment studieuse, était animée d’une conviction. Au bout du chemin, il y aura le Paris Saint-Germain, l’Olympique lyonnais, le FC Barcelone – la crème du football de clubs – et même l’équipe de France.

Place intenable dans le vestiaire du PSG

Un long vol marqué par quelques turbulences, mais rien de comparable avec la tempête qu’elle affronte depuis le 4 novembre dernier, quand elle a été frappée au niveau des jambes avec une barre de fer par deux hommes alors qu’elle revenait d’un dîner. Pour avoir soupçonné sa coéquipière Aminata Diallo d’avoir tenu un rôle de commanditaire – manifestement à tort –, sa place dans le vestiaire du PSG est depuis devenue intenable. Après une nouvelle altercation, elle a d’ailleurs été écartée du groupe le 2 mai dernier.

La révélation d’une relation adultère avec l’ex-international français Eric Abidal l’a aussi conduit à affronter le tribunal des réseaux sociaux. La Nordiste, vivement critiquée sur les réseaux, est en tout cas la seule personne à avoir été agressée physiquement dans cette affaire (six jours d’interruption totale de travail).

Mais qui est Kheira Hamraoui ? “Une fille super, très attachée à sa famille, avec qui on rigolait tout le temps”, répond Aude Moreau, ex-coéquipière à Saint-Etienne (2010-2012), avec qui elle partageait le goût des buffets à volonté au restaurant chinois. Hamraoui vivait alors encore loin de la rigueur du professionnalisme : tandis que la plupart de ses coéquipières, comme Moreau, aujourd’hui ingénieure, étaient au moins aussi concentrées sur leurs études que sur le foot, elle lézardait dans son petit appartement, comme dans l’attente de quelque chose de plus grand.

La Nordiste faisait partie des plus douées, mais le cadre des Verts ne la stimulait pas vraiment. “Je me suis plusieurs fois accroché avec elle, se souvient Hervé Didier, son entraîneur à Saint-Etienne. Car elle n’en faisait parfois pas assez et je voulais l’emmener quelque part.” Ne pas en déduire toutefois que la joueuse du PSG serait un élément ingérable, conflictuel. “On pouvait s’accrocher, mais c’était dans le cadre normal de relations joueuses-entraîneur, on repartait toujours sur des bases saines”, précise son ex-coach.

Hamraoui, elle, se décrit comme “timide”, très réticente notamment à s’exprimer devant les caméras. Dans un groupe, elle est pourtant cet élément enjoué qui passait ses vacances avec plusieurs internationales, dont Aminata Diallo. “C’était quelqu’un de chouette, un leader positif, se rappelle Marie Debruyne qui lui a envoyé un SMS de soutien au moment du déclenchement de l’affaire. Parfois, elle pouvait être un peu intimidante avec des éléments moins doués, elle se reposait peut-être aussi un peu trop sur ses acquis, mais c’était encore une ado.”

Jeu long, qualité technique et impact athlétique

Pour devenir adulte, Hamraoui devra être transférée au PSG, pour un premier passage de 2012 à 2016. Sur le terrain, où elle inspire depuis toujours le respect par son jeu long, sa qualité technique et son impact athlétique, elle recule d’un cran, au poste de milieu défensif, pour mieux avancer. Dans la foulée, “cette spécialiste de la frappe de 40 mètres”, se souvient Aude Moreau, fait ses débuts en équipe de France. “J’étais embêté de la voir partir, concède Hervé Didier. Mais je lui ai dit que ce changement lui serait bénéfique.”

Dans un univers plus concurrentiel, cette joueuse de caractère franchit notamment un cap physiquement, même si cela passe, là encore, par quelques prises de bec avec ses entraîneurs. “J’ai besoin qu’on me pique”, avait-elle expliqué. “Ce qu’elle a accompli est impressionnant, considère Marie Debruyne. Je me demandais si elle réussirait à tempérer son côté ‘je fais ce que je veux’… Mais en fait, elle n’a cessé d’évoluer.”

Double championne de France avec l’OL (2017, 2018), et surtout trois fois victorieuse de la Ligue des champions, deux fois avec les Lyonnaises (2017, 2018) et une fois avec le Barça (2021), Hamraoui connaît une histoire étrangement hachée en équipe de France.

En 2019, la sélectionneuse Corinne Diacre décide ainsi de s’en passer pour la Coupe du monde à domicile des Bleues. Une blessure pour la Nordiste. “Kheira est cash quand elle dit les choses et, en sélection, ça peut ne pas plaire, estime Hervé Didier. Comme elle méritait sa place au vu de ses qualités, il devait donc y avoir autre chose et c’est forcément relationnel.”

Pour l’Euro 2022, qui se disputera au mois de juillet, ce sera là encore, sauf improbable revirement, sans la Franco-Algérienne. Rappelée à la surprise générale au mois de mars, elle a disparu des dernières listes. Et quid de son avenir en club ? En conflit ouvert avec des joueuses importantes du football français, elle devra sans doute s’exiler.

Certains la voient se refaire aux Etats-Unis, terre promise du football féminin. Pourra-t-elle toutefois se remettre d’un tel cataclysme personnel et professionnel ? Battante sur le terrain et en dehors – elle a commencé à développer une activité d’entrepreneuse –, elle avait conclu, en 2020, une interview au magazine Onze Mondial par cette phrase : “La douleur d’aujourd’hui, c’est la force de demain.”

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