Karim Ben Cheikh (NUPES) : « Bilan décevant pour les Français de l’Etranger »
Education, Retraites, Francophonie,… Les sujets et débats sont nombreux pour la communauté française installée au Maghreb et en Afrique. Le diplomate en disponibilité et candidat NUPES, Karim Ben Cheikh a répondu à nos questions.
Nous avons posé les mêmes questions à l’ancienne ministre et candidate Ensemble, Elisabeth Moreno à retrouver ici.
Quel rôle souhaitez vous avoir en tant que élu(e) de cette zone : un(e) représentant(e) des Français de l’Etranger ou un pont entre la France et ses pays ?
Karim Ben Cheikh : Pour moi, un député représente ses concitoyens à l’Assemblée Nationale. Ensuite, être député sur le terrain, c’est être proche des citoyens et se nourrir du dialogue sur place avec eux pour être en mesure de porter des lois porteuses de progrès et d’équité. Le député est d’abord un législateur et, de ce point de vue, le bilan de l’Assemblée sortante était décevant, pour les Français établis hors de France.
Le président Macron compte établir la retraite à 65 ans. Les Français de l’Etranger en subiront-ils aussi les conséquences sachant que leurs carrières sont hachées du fait de l’expatriation ?
Karim Ben Cheikh : La retraite à 65 ans est profondément injuste. C’est une réforme de riches. Il faut restaurer le droit à la retraite à 60 ans à taux plein pour tous, après 40 annuités de cotisations. Il faut avoir une attention particulière pour les carrières discontinues et les métiers pénibles. Nous devons faire en sorte que les Français hors de France puissent bénéficier des mêmes droits qu’en France. S’agissant des allocations comme l’allocation vieillesse ou l’allocation adulte handicapé, il y a là aussi un effort important à faire. Savez vous qu’aujourd’hui le budget alloué à la solidarité est de 15 millions d’euros pour 3 millions de Français dans le monde? C’est-à-dire 5 euros par an et par Français. Arrêtons donc de nous payer de mots et commençons par allouer des budgets décents.
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Concernant l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger (AEFE), l’Etat s’est désengagé de 10% en 2018. Or, les frais d’inscription pour les écoles françaises sont élevés. Faut-il que l’Etat investisse plus dans cet organisme ?
Karim Ben Cheikh : Vous avez raison. L’Etat a retiré 33 millions d’euros à l’AEFE il y a 3 ans sans compter les 10 millions d’euros retirés des bourses également cette année. Depuis cinq ans, il n’y a pas de vision d’avenir pour l’enseignement français à l’étranger. Comment porter une vision sans donner les moyens à notre réseau de fonctionner correctement? Comment porter une vision quand le gouvernement sortant, a quelques jours de sa fin de mandat triple le montant de la cotisation pour les pensions civiles des titulaires détachés de l’éducation nationale? Où est l’ambition? Ce grand réseau composé de 550 écoles doit être capable de porter un projet pédagogique républicain. Et pour cela, il faut augmenter les moyens alloués, et notamment clarifier le statut des professeurs de l’Education Nationale dans ce réseau (détachés, résidents, expatriés, etc..).
Comptez-vous demander une meilleure utilisation des bourses scolaires pour les français modestes de l’étranger ?
Karim Ben Cheikh : La question des bourses n’a rien de philosophique. C’est simple: il faut arrêter de baisser le budget et le montant des bourses de scolarité, et les augmenter de manière courageuse. Nous voulons que plus aucun Français ne soit exclu du système éducatif français pour raisons financières. Pour cela il faut plus de justice sociale, en exonérant les familles modestes et vulnérables de frais de scolarité, et plus d’équité en s’assurant qu’aucune famille française à l’étranger ne consacre plus de 20% de ses revenus à la scolarisation de ses enfants. C’est faisable.
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Le français perd du terrain au Maghreb et en Afrique. Or, le Président de la République souhaite le doublement des effectifs d’élèves (700 000, ndlr) pour 2030. Comment cela peut ‘il être possible ?
Karim Ben Cheikh : Il faut se donner les moyens pour exporter notre modèle éducatif. Depuis plusieurs années, on ne s’appuie quasiment plus que sur le versant privé du réseau éducatif français à l’étranger pour augmenter les effectifs. L’idée sous-jacente est que cela ne va rien coûter à l’Etat et que ce sont les privés qui vont s’en charger. D’une part, cela coûte quand même à l’Etat, ne serait-ce que par le biais des exonérations de cotisations patronales, sans la garantie de maîtriser ce qui se fait dans ces écoles partenaires. Ensuite, cette privatisation excessive plonge l’ensemble du réseau dans un univers concurrentiel. C’est la course à l’échalote avec une hausse des frais de scolarité. Au-delà des effets d’annonce, un projet pédagogique ambitieux passe d’abord par le détachement de titulaires en nombre suffisant mais aussi une mixité sociale avec les populations françaises et locales. La France ne doit pas s’adresser seulement aux élites économiques et financières de ces pays. Le réseau doit continuer d’être une perspective d’ascension sociale aux yeux des classes moyennes des pays d’accueil.
Une loi vient d’acter la suppression du corps diplomatique français en 2023. La France peut elle être le seul pays occidental sans diplomates professionnels ?
Karim Ben Cheikh : Avec la mise en extinction des différents corps de la diplomatie, nous allons effectivement être la première puissance au monde à renoncer à une diplomatie professionnelle alors que les enjeux diplomatiques, culturels et sécuritaires n’ont jamais été aussi forts. Ce n’est pas seulement la volonté de casser les carrières qui est choquante. Il faut se rendre compte que la plus grande réforme de la haute fonction publique depuis 1945 a été faite à coups d’ordonnances. Pourtant, le corps diplomatique n’a jamais été aussi diversifié. Plus de la moitié des personnels dans le ministère des Affaires Etrangères vient hors du ministère. Nous avons la chance d’avoir un recrutement très diversifié. Nous devrions, au contraire, nous baser sur son expérience en matière de diversité et de mixité, pour construire la diplomatie d’avenir.
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Le grand marché de demain est la francophonie avec ses 300 millions de locuteurs actuellement et 750 millions en 2050. Comment la France peut-elle agir pour améliorer une image qui s’est dégradé avec le temps en Afrique notamment ?
Karim Ben Cheikh : Il y a un temps, on parlait du passeport francophone pour faciliter la circulation entre les zones francophones. Pourquoi n’en parlons nous plus ? S’agissant de la politique africaine que vous évoquez, nous devons en avoir une vision claire notamment pour les pays de cette circonscription. Le Sahel tenait par exemple un rôle essentiel en matière d’échanges entre l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest. Or, cette région s’est retrouvée en marge avec les conséquences sécuritaires que l’on connait. Comment redonner une centralité au Sahel ? Il va falloir réfléchir, connaître ces zones et leur histoire mais aussi écouter leurs sociétés civiles. C’est à partir d’échanges dans la durée que l’on peut porter une politique étrangère efficace.
Vous pouvez retrouver les autres sujets (visas, rapatriement, frais universitaires) dans notre magazine du mois de juin ici
Sont également candidats dans la 9ème circonscription des Français de l’Etranger : Mohamed Oulkhouir, Thiaba Bruni, Camille Zouon, Fatou Sagna Sow, Ludivine Sordet, Nathalie Amiot, Ahmed Eddaraz, Jean-Claude Fontanive, David Azoulay, Nacim Bendeddouche, Oumar Ba, Samira Herbal, Sébastien Perimony, Naïma M’Faddel, Rachida Kaaout, Hassan Ben M’Barek, Emilie Marches-Ouzitane, Jean-Claude Martinez, Mehdi Reddad