Kais Saïed au Qatar : 80 accords et mémorandums d’entente
Le président tunisien Kais Saïed est arrivé ce weekend à Doha pour une visite d’Etat de trois jours sur invitation de l’Emir du Qatar, cheikh Tamim Ben Hamad al-Thani. Au cœur de cette visite, la question libyenne, la coopération économique, mais aussi des volets plus politiciens et non avoués.
Hier dimanche 15 novembre, le chef de l’Etat a eu un premier entretien en tête-à-tête l’avec l’Emir du Qatar au Palais royal, à l’issue duquel s’est tenue une session de travail élargie aux délégations des deux pays. L’après-midi, Saïed a rencontré des membres de l’importante communauté tunisienne établie au Qatar.
Aujourd’hui lundi, le programme est ponctué notamment par des visites à la Bibliothèque nationale ainsi qu’à la Fondation du Qatar pour l’Education, les Sciences, le Développement communautaire. Suite à quoi le président tunisien a procédé à l’inauguration de la Ligue mondiale des jurisconsultes du droit international, un organisme dont il a honorifiquement assumé la présidence.
La question libyenne au cœur des discussions
Membre de la délégation tunisienne, le ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’Etranger, Othman Jerandi a souligné que la question libyenne est au centre des discussions qui se sont déroulées dès dimanche à Doha.
Selon Jerandi, le président de la République a passé en revue les initiatives récemment entreprises à Tunis et les contacts établis avec les pays voisins et les partenaires étrangers afin que le processus de Berlin puisse aboutir et que le Forum de dialogue inter-libyen, tenu en Tunisie, se déroule « dans des conditions optimales et sans aucune interférence, ni ingérence étrangère ». « Une condition sine qua none pour que ce dialogue puisse avoir la chance de réussir », a martelé le ministre, en fidèle lieutenant de Kais Saïed dont il fut l’un des conseillers proches avant d’être promu en septembre dernier à la tête de la diplomatie tunisienne.
« Aujourd’hui, nous gardons l’espoir de voir ce dialogue aboutir aux objectifs qu’il s’est fixé et qu’une feuille de route pour la prochaine étape soit mise en place pour l’instauration de la stabilité et de la démocratie en Libye ». C’est en ces termes que le ministre a en somme fait contre mauvaise fortune bon cœur, lorsque l’on sait que le sommet de Tunis, dominé par le pactole de la reconstruction, n’a pas débouché sur une résolution de crise ni de quelconques annonces majeures.
Difficile dans ces conditions de ne pas voir en la visite de Saïed à Doha, annoncée seulement 4 jours à l’avance, une forme de séance de rattrapage d’un semi échec, lorsque l’on sait surtout que le Qatar est l’un des premiers sponsors des islams politiques tunisien et libyen, et qu’Ennahdha est en conflit ouvert avec le président tunisien depuis son élection fin 2019.
Déclaration commune et ligne maritime
Sur une note plus optimiste et selon une déclaration commune publiée à l’issue de ces discussions, les deux dirigeants tunisien et qatari se sont félicités de la volonté des deux parties d’augmenter le volume des échanges commerciaux entre les deux pays et de les diversifier à travers la signature d’un accord de libre-échange dans le cadre de la ligue des Etats arabes. Un accord qui attend une délimitation plus précise de son cadre juridique.
Une fois le plus dur de la crise Covid-19 sera passé, les deux dirigeants se sont engagés à organiser davantage de réunions de la haute commission mixte tuniso-qatarie pendant le premier trimestre de l’année 2021, toujours à Doha. Concrètement, il s’agira notamment d’accélérer la réalisation du projet de production agricole à Sidi Bouzid.
Fidèle à lui-même dans son souci d’annoncer des projets pharaoniques dont on ne connaît pas toujours les moyens de financement, Kais Saïed a enfin affirmé son souhait de mettre en place une ligne maritime reliant les deux pays afin de faciliter le transport des marchandises et accroître le volume des échanges bilatéraux.
Indépendamment des formules diplomatiques d’usage et au terme de cette visite clé de ce début de deuxième année de mandat présidentiel, Saïed peut se prévaloir au minimum d’avoir obtenu l’équivalent de 3 milliards de dollars d’investissements qataris. Il aura en outre fait en sorte de ne pas laisser l’influence du Qatar tributaire du seul bon vouloir des islamistes tunisiens et de Rached Ghannouchi, avec qui le locataire de Carthage cohabite au sein d’un pouvoir à trois têtes.