Sarkozy mis en examen : « Kadhafi m’a tuer »
Triste destin que celui de cet ex-président, contraint de passer quelques jours au mitard comme un vulgaire malfrat. Le pire dans tout ça ? C’est que le principal responsable de cette descente aux enfers n’est autre que l’ex-ennemi juré de l’occident, Kadhafi, pour ne pas le nommer, qui doit bien ricaner dans le purgatoire, trop content de voir celui qui l’a envoyé ad patres, subir les pires tourments.
Est-ce que cela valait vraiment la peine de mobiliser toutes les forces armées françaises après avoir nommé Bernard-Henri Lévy, chef suprême de l’assaut contre la Libye ? Tout ça pour ça ?, doit se morfondre dans sa solitude, celui qui n’a pas hésité une seconde quand « le philosophe » lui a conseillé de mettre le paquet pour plonger la Libye dans le chaos, histoire de faciliter « la disparition » de ce témoin gênant de Kadhafi.
Car ce que reproche aujourd’hui la justice à Sarkozy, c’est, ironie de l’histoire, d’avoir largement profité des largesses du guide libyen qui tenait à disposition de « ses amis » français des valises pleines de pétro dollars.
Chapeau bas aux journalistes de Mediapart, qui, les premiers, avaient levé un gros lièvre en publiant un document libyen faisant état d’un financement par la Libye de la campagne de 2007 de M. Sarkozy.
Depuis, les investigations avaient considérablement avancé, notamment grâce à certains témoins-clés.
Dans le peloton de tête, le sulfureux Ziad Takieddine qui avait ainsi confirmé avoir transporté 5 millions d’euros en liquide de Tripoli à Paris entre la fin de 2006 et le début de 2007 pour les remettre à Claude Guéant, puis à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur.
Si la garde à vue de Nicolas Sarkozy, a repris mercredi 21 mars au matin, dans les locaux de l’office anticorruption à Nanterre près de Paris, selon des sources proches du dossier, il ne faut pas trop rêver, Sarkozy est poursuivi pour des affaires de gros sous, pas plus.
La justice française ne va pas fouiller dans le dossier libyen pour déterminer la responsabilité de Sarkozy dans le chaos libyen et par ricochet dans la déstabilisation de toute une région (la Tunisie n’est pas à envier aussi), cela relèverait de la Cour pénale internationale, s’il est encore permis de rêver.
Pourtant la commission d’enquête du Sénat américain sur l’attentat contre le consulat américain de Benghazi en septembre 2012, après avoir révélé des échanges de mails entre Hillary Clinton – alors secrétaire d’Etat – et Sidney Blumenthal, un proche conseiller des Clinton, a clairement conclu à la responsabilité de Sarkozy et de Blair dans l’effondrement politique et économique de la Libye ainsi que dans les drames humains qui en résultent.
Sidney Blumenthal qui tient ses informations de la CIA indiquera dans un mail que « Des sources ayant un excellent accès à la DGSE indiquent que Bernard-Henri Lévy utilise son statut de journaliste comme couverture pour ses activités. En fait, il travaille directement sous les ordres de Sarkozy. ».
Dans une autre note datée du 5 mai 2011, il est fait état de vols humanitaires organisés par la France vers Benghazi à partir du 13 avril 2011 servant de couvertures pour transporter les responsables des plus grosses multinationales du BTP du pétrole et de l’armement français.
C’est à la justice française de trancher sur le financement ou pas de la campagne de Sarkozy par Kadhafi, mais d’ores et déjà, ce qui est hautement immoral dans cette histoire, c’est le coup de Jarnac porté par l’ancien président français dans le dos du président libyen, dictateur patenté mais qui réussissait, néanmoins à faire profiter à ses populations et même au delà, de la rente pétrolière.
Au moins, sous Kadhafi, les Libyens n’étaient pas sous la menace des milices terroristes. Bien sûr, ce n’est pas demain la veille que Sarkozy répondrait aux interrogations de Fabrice Arfi et Karl Laske, qui menaient depuis 2011 l’enquête sur l’affaire Sarkozy-Kadhafi pour le compte de Mediapart.
Les deux compères avaient adressé courant 2017, pour terminer leur ouvrage Avec les compliments du Guide (Fayard), une soixante de questions à Nicolas Sarkozy qui n’avait jamais daigné y répondre.
Pour notre part, on en a retenu une qui est particulièrement édifiante : « La précipitation avec laquelle vous avez mis en œuvre le déclenchement de la guerre en Libye a fait l’objet d’un examen critique, notamment du Parlement britannique, qui a jugé que l’intervention « n’était pas fondée sur des renseignements exacts » et en particulier, malgré la répression, « l’affirmation selon laquelle Mouammar Kadhafi aurait ordonné le massacre de populations civiles n’est conforté par aucune preuve fiable ».
Comment et pourquoi l’un des meilleurs soutiens de Kadhafi que vous étiez en 2007 s’est-il converti en son premier adversaire quatre ans plus tard en 2011 ? ».
En tout cas, le jour où un Tribunal pénal international pour la Libye demandera l’ouverture d’une enquête, les milliers de morts disparus depuis 2011 ne seront pas là pour témoigner mais les Libyens réduits en esclavage par Daech et ses affidés, les migrants qui préfèrent la mort dans la Méditerranée à la vie en sol libyen sont des preuves vivantes pour statuer sur « ce crime contre l’humanité, doublé d’un crime d'agression et de crimes de guerre ». Mais ça, c’est une autre histoire.
Abdellatif El azizi
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