Justice. Les magistrats tunisiens en grève pour 1 mois

 Justice. Les magistrats tunisiens en grève pour 1 mois

Les magistrats tunisiens ont décidé de prolonger leur grève nationale pour la quatrième semaine consécutive. Le bras de fer entre le pouvoir total de Carthage et le pouvoir judiciaire se poursuit.

Très suivie, à plus de 90% selon l’Association des magistrats tunisiens (AMT), en ligne de front dans cette lutte qualifiée d’« existentielle », la grève paralyse la quasi-totalité de la justice, hormis quelques « exceptions » de juges non affiliés, les autorisations d’enterrement ainsi que les affaires urgentes ayant trait au terrorisme.

Historique de par son ampleur, le mouvement de grève entend protester contre la décision du président de la République Kais Saïed de révoquer une soixantaine d’entre eux, a réitéré hier dimanche un communiqué conjoint signé par pas moins de six syndicats de magistrats du pays.

Refusant ce qu’il qualifie de politique de l’intimidation et de la fuite en avant, le texte annonce que la quatrième semaine de grève sera entamée le 27 juin 2022. La Coordination des structures judiciaires y indique que « la grève inclura tous les tribunaux, administratifs, financiers et judiciaires à partir de lundi ».

 

Une seconde liste de magistrats révoqués « en préparation »

Saïed avait pour rappel limogé 57 juges le 1er juin courant, les accusant notamment de corruption et de « protection des terroristes », des accusations qui, selon l’AMT, cachent en réalité principalement des motivations politiques de restauration de la mainmise de l’exécutif sur le secteur judiciaire, dernière pierre à l’édifice du rétablissement en cours de l’autocratie.

Pour Anas Hmaidi, président de l’AMT, cette purge brutale et inconstitutionnelle n’est pas sans rappeler la tentative en 2012 de l’ancien ministre de la Justice islamiste Noureddine Bhiri, dirigeant d’Ennahdha, qui avait révoqué 82 juges. A la différence près que là où ces derniers avaient pu contester cette décision avec succès dans la plupart des cas devant le Tribunal administratif, cette fois le Palais de Carthage a rendu sa décision de révocation non contestable, sauf pour les cas où les intéressés sont définitivement innocentés au pénal, « un processus qui peut durer plus d’une décennie », selon Hmaidi.

« Nombreux sont les juges suspectés de corruption mais qui n’ont pas été inquiétés ou poursuivis par l’actuel pouvoir, étant donné qu’ils ont fait allégeance au nouveaux gouvernants », soutient la même source.

Au moment où certaines évoquent la préparation d’une deuxième liste de juges à limoger, à moins d’un mois de la tenue du référendum présidentiel du 25 juillet, une poursuite de la grève pourrait entraver le cours du scrutin référendaire, en privant les justiciables de recours devant les tribunaux dans les litiges potentiels en pareille circonstance.