Journaliste à Gaza – Danger de mort

 Journaliste à Gaza – Danger de mort

Graffiti réalisé à Londres par l’artiste de rue espagnol Nacho Welles représentant Wael al-Dahdouh. Le journaliste palestinien d’Al Jazeera qui a lui-même été blessé au bras, a perdu sa femme et ses deux autres enfants dans les bombardements israéliens au cours des premières semaines de la guerre. (Photo : Ben Stansall / AFP)

Voilà une enquête qui va rester en travers de la gorge des médias français à moins qu’ils poussent le culot jusqu’à accuser le collectif Forbidden Stories d’antisémitisme.

 

Très gênés, les journaux de l’Hexagone, contraints d’évoquer l’enquête, tentent de s’en sortir par des titres qui sont autant de pirouettes sémantiques dans le genre « L’armée israélienne cible-t-elle les journalistes de Gaza ? » ou encore « A Gaza, les journalistes pris pour cible par l’armée israélienne, selon Forbidden Stories ».

Pourtant le collectif qui a travaillé durant plus de quatre mois, avec plus de cinquante journalistes appartenant à treize médias internationaux, à la notoriété reconnue dont le quotidien Le Monde, a documenté son enquête de manière à ce qu’il n’y ait pas de doute sur le fait que les soldats israéliens prennent délibérément pour cible les journalistes depuis le début de leur offensive à Gaza.

Un travail de fourmi qui a nécessité plus de 120 témoins, des expertises balistiques, des images par satellite, des vidéos, avec l’analyse de plus de cent cas de journalistes et fixeurs locaux des médias, tués lors de bombardements ou par des frappes de drones, chez eux, dans la rue ou en reportage.

Une enquête qui a listé, dans la bande de Gaza, en Cisjordanie et dans le sud du Liban, au moins quatorze journalistes tués, alors qu’ils portaient un gilet où le logo presse apparaissait parfaitement.

L’enquête, publiée ce mardi 25 juin par ce consortium de médias internationaux, sous l’égide de Forbidden Stories, a dépouillé des milliers d’heures d’images et de sons en provenance de la bande de Gaza, démontrant au passage que ces frappes étaient « délibérées », rejoignant ainsi les rapports des organisations de journalistes qui dénoncent ces crimes inédits depuis le début du conflit.

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que ce ciblage est dénoncé publiquement puisque le groupe Arij qui rassemble des médias basés en Jordanie faisant partie du consortium, a déjà précisé que 40 journalistes ont été tués alors qu’ils se trouvaient à leur domicile, quatorze d’entre eux ont été assassinés alors qu’ils portaient leur veste de presse à Gaza, en Cisjordanie ou dans le sud du Liban, 18 ont été tués ou blessés dans des frappes de drones à Gaza. Et au moins 40 journalistes suspectés de travailler dans les médias du Hamas ont été tués.

Le plus médiatique de cette liste macabre reste sans aucun doute Wael al-Dahdouh, chef du bureau d’Al Jazeera, blessé grièvement et déjà frappé par l’assassinat de son épouse et de ses deux enfants, sans oublier cette frappe qui en janvier a provoqué la mort de deux journalistes dont son fils Hamza al-Dahdouh.

De toutes les façons, à Gaza, les journalistes quand ils ne sont pas tirés comme des lapins subissent toutes sortes d’intimidations qui les visent directement où qui ciblent leurs proches. L’un de nos collaborateurs sur place explique que le pire dans tout cela, c’est que tout le monde nous regarde comme si on était des pestiférés. Même nos amis et nos proches craignent d’être ciblés à cause de notre présence parmi eux » !

Ce qui fait dire à Laurent Richard, cofondateur de Forbidden Stories, dans un éditorial publié ce mardi qu’il s’agit là « d’une des plus flagrantes attaques contre la liberté de la presse jamais connues. Les journalistes gazaouis savent depuis longtemps que leur veste presse ne les protège plus. Pire, elle les expose peut-être davantage ». 

En attendant, Israël poursuit tranquillement l’annexion pure et simple de la Cisjordanie.

 

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