Israël. Massacres et manipulations de masse
Puisqu’il faut appeler un chat, un chat, l’opinion de l’historien américano-israélien Omer Bartov, qui accuse Israël de génocide est importante. Ce spécialiste du génocide juif avait dans le Guardian, affirmé qu’il n’est « plus possible de nier qu’Israël est engagé dans des crimes de guerre systématiques, des crimes contre l’humanité et des actions génocidaires ».
Soit. Mais comment se fait-il, alors qu’Israël vient d’attaquer violemment le Liban, avec les menaces de Netanyahou de raser le pays du cèdre, les Israéliens et les opinions occidentales continuent de gober les couleuvres débitées par les différents porte-parole sionistes sur une « guerre menée contre le terrorisme » ?
Pour décrypter la naïveté, voire la complicité passive des foules, il faut juste savoir que l’Etat hébreu, à la solde de l’Oncle Sam (voire le contraire), use à satiété des techniques les plus éprouvées en matière de manipulation des opinions publiques doublées d’un black out absolu sur l’information au sein d’Israël.
Une donnée constante, tout journaliste qui a essayé de mener un reportage en Israël, même en temps de paix vous le confirmera : il est quasiment impossible d’écrire une ligne ou de prendre une photo sans une autorisation officielle qui n’est jamais délivrée, et les rares prises de vue sont supervisées, voire confectionnées par l’armée qui maîtrise ainsi le récit qui doit être raconté dans les médias, un récit biaisé, qui relève plutôt de la propagande que de l’information.
Black-out total sur l’information sinon dans le cas où certains journalistes acceptent de se rendre en Israël dans le cadre d’un voyage (gratuit) à l’invitation du Centre consultatif des relations juives et israéliennes pour des séances d’endoctrinement et de propagande en bonne et due forme. On va voir dans ce décryptage une revue modeste des techniques de manipulation de l’information utilisées par Tel Aviv pour tromper le monde.
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Effet de chambre d’écho
La technique éprouvée dans les médias israéliens à l’exception de deux ou trois médias comme Haaretz est en fait un écosystème dans lequel on amplifie ou on renforce un récit par la communication et la répétition à l’intérieur d’un système fermé et isolé de toute critique.
En restant enfermé dans un environnement fermé sur le modèle d’une chambre d’écho, où seules les informations conformes à une thèse préétablie sont répétées, on limite l’exposition à des opinions divergentes qui viendraient bousculer les préjugés existants.
Dans le récit dont on abreuve la population israélienne, la violence des Palestiniens (qui sont tous des membres du Hamas) est appelée « terrorisme », et celles, encore plus terribles, perpétrées par l’État hébreu sont considérées comme de la légitime défense.
En effet, une fois désignés comme « des animaux humains », tous les Palestiniens sont déshumanisés et le monsieur tout le monde à Tel Aviv ne se pose pas de questions quand la télévision lui raconte que l’armée a bombardé un nid de « terroristes », où les seuls corps sans vie retrouvés là appartiennent à des femmes, des enfants et des vieillards.
En Israël, les chambres d’écho facilitent ainsi la désinformation distillée par les responsables jouant un rôle majeur dans la radicalisation de la population qui est prête à adopter des positions extrêmes.
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Confirmation bias (Biais de confirmation)
Le conflit à Gaza s’est révélé être aussi une guerre d’information, où Israël s’emploie à s’attirer le soutien de l’opinion interne via la propagation de ces mythes.
Même si Israël semble désemparé face aux changements de l’opinion occidentale, les stratèges de Tel Aviv peuvent se féliciter d’avoir réussi au moins à renforcer le mythe d’un Etat hébreu menacé dans sa survie par les Arabes et celui de la possibilité d’ériger le grand Israël « Erezt Israël », en colonisant non seulement la Palestine mais en s’installant durablement au Liban, avant de lorgner sur une partie de la Syrie et de l’Irak, entre autres.
Selon les spécialistes, cette tactique consistant à présenter des informations qui confirment les préjugés constants d’individus, renforcent leurs croyances préalables sans remise en question, même quand les thèses sont farfelues et ne reposent sur aucune base logique et ne sont étayées par aucune réalité. Car les individus préfèrent instinctivement les fake news qui renforcent leurs croyances existantes que des informations vraies, vérifiées mais qui détruisent leurs préjugés.
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Réseaux sociaux : l’autre guerre virtuelle
Même si elles ne sont pas au service exclusif d’Israël, les plateformes de médias sociaux utilisent des algorithmes qui bloquent systématiquement des contenus pro-palestiniens sous le prétexte fallacieux de « contenu radical » et montrent aux utilisateurs des images et des thèses pro-israéliennes susceptibles d’influencer les usagers, ce qui correspond souvent à du contenu qui résonne avec une seule vision du conflit. Cela crée un cycle de renforcement où les utilisateurs voient principalement des informations qui confirment ce qu’ils croient déjà être vrai.
Intelligence artificielle, campagnes d’influence et vidéos-chocs, on a vu comment la machine de propagande de l’État hébreu s’était mobilisée dès le lendemain du 7 octobre pour manipuler l’opinion publique, à travers les réseaux sociaux utilisés à fond pour peser sur l’opinion mondiale. Quitte à fabriquer des vidéos grossières sur des bébés israéliens « rôtis » vivants par « ces monstres » de Hamas. Des vidéos brandies par Netanyahou lui-même qui se sont vite révélées comme de grossiers montages.
Bébés décapités, femmes violées, mères éventrées et autres horreurs ont tous été fabriqués pour les besoins de propagande de guerre israélienne. Bien sûr, dans l’autre camp, on a vite compris l’intérêt de relayer vidéos et photos des attaques du Hamas contre les soldats de Tsahal.
Un autre conflit entre le Hamas et Israël, cette fois-ci virtuel, se joue désormais en ligne. On voit de tout dans cette poubelle sur le web, images insoutenables et virales sur les réseaux sociaux : des corps ensanglantés, des exécutions à bout portant, des explosions, souvent de fausses informations et des images non-sourcées, dont la plupart sont mises en ligne à des fins de propagande dans une course contre la montre, à qui réussira le mieux sa campagne d’influence.
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Fearmongering (Propos alarmistes)
Susciter l’angoisse, l’inquiétude et la peur pour obtenir carte blanche est une technique éprouvée. Israël utilise cette stratégie qui exploite la peur pour influencer l’opinion publique nationale et justifier la continuation des massacres de Palestiniens sans raisons valables. Exagérant les dangers provenant des trois pelés et trois tondus du Hamas, les criminels menés à la baguette par Netanyahou se refont une virginité et échappent ainsi à la case prison qui les guettait à la veille du 7 octobre.
Les campagnes publiques de fearmongering sont conçues pour créer un sentiment d’urgence et pousser les citoyens à accepter l’inacceptable ou des électeurs à voter pour un candidat qui, autrement, ne serait pas l’objet de leur choix en l’absence de peur.
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Bandwagon effect (l’esprit moutonnier)
Le bandwagon effect est l’une des techniques de base utilisées dans la publicité, le marketing ou la politique. « L’effet de mode » peut être aussi utilisé pour provoquer un effet d’entraînement convainquant que la prise de décision doit être collective et non pas personnelle.
Le manque d’esprit critique individuel peut avoir des conséquences particulièrement néfastes lorsque ses effets sont généralisés.
L’histoire récente dans les territoires occupés a également montré que les mouvements populistes dangereux commencent par l’adoption en boule de neige de messages politiques destinés à trouver un écho auprès des « gens ordinaires », comme ces vagues de colons qu’on a réussi à armer et qui sont ainsi prêts à massacrer leurs voisins palestiniens pour s’emparer de leurs terres.
Grâce à l’effet d’entraînement provoqué par l’armée de Tsahal et ses exactions, en l’absence de pensée critique, il peut s’ensuivre une frénésie d’horreurs commises sur l’autre, contre l’ennemi par des individus qui font partie du commun des mortels. Exploitant le désir de rester dans « le troupeau » en conformité avec la foule, cette technique encourage les gens à suivre l’opinion de la majorité, puisque « tout le monde le fait », c’est que c’est bien.
En conclusion, « Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde », écrivait Camus en 1944. A l’ombre des décombres de Gaza, sa formule n’a rien perdu de son actualité …
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