Israël/Iran. Alliance du sionisme et du chiisme
La campagne lancée pour élire, le 1er mars, l’Assemblée des experts, l’organe clé chargé de désigner le Guide suprême, la plus haute autorité de la République islamique changera-t-elle grand-chose au génocide mené par Israël contre les populations palestiniennes ?
Pour rappel, c’est l’Assemblée des experts qui élit à vie le Guide suprême tout en conservant le pouvoir de le démettre, si elle estime qu’il n’est plus en mesure de remplir ses fonctions.
Ce poste est occupé aujourd’hui par l’ayatollah Ali Khamenei, âgé de 84 ans, qui a succédé en 1989 au fondateur de la République islamique, Rouhollah Khomeiny, l’ayatollah adulé à l’époque par les journalistes et intellectuels occidentaux qui se succédaient à sa résidence à Neauphle-le-Château en France.
Si la question est posée, c’est que beaucoup de brouillard caractérise la position des Mollahs vis-à-vis de l’Etat hébreu et de son mentor, les États-Unis : en effet, depuis le début de l’affrontement entre le Hamas et les soldats de Tsahal, Téhéran a maintenu le flou sur ses intentions, soufflant le chaud et le froid mais s’en tenant toujours à un devoir de réserve qui semble calculé sur l’attitude de l’Oncle Sam et de Tel Aviv : d’un côté des déclarations dithyrambiques sur une réponse appropriée aux violences israéliennes ainsi qu’aux attaques de l’armée américaine sur les proxies iraniens en Irak , au Yémen et en Syrie; et d’un autre côté, des milices iraniennes qui se gardent bien de réagir aux frappes israéliennes même si celles-ci font beaucoup de victimes civiles aussi bien en Palestine que dans les pays voisins.
Quant au Hezbollah libanais, le bras armé de Téhéran à Beyrouth, il est l’objet de moqueries sans précédent de la part des réseaux sociaux en raison de ses déclarations intempestives qui n’ont débouché jusqu’à présent sur pas grand-chose, à part des tirs de missiles perdus sur des parties désertiques de l’Etat hébreu.
Le parti politique composé de milices, proche de l’Iran, vient d’ailleurs de promettre de riposter aux frappes israéliennes qui ont fait au moins 13 morts – 10 civils et 3 combattants du Hezbollah -, ce mercredi 14 février. Une Saint-Valentin qui s’avère d’ailleurs la plus meurtrière pour la soldatesque chiite, en plus de quatre mois d’échanges « timides » de tirs à la frontière.
Même ces histoires d’attaques yéménites contre les bateaux qui traversent la mer rouge ont une explication logique, même si les médias occidentaux sont prompts à y pointer systématiquement du doigt Téhéran.
Dans une récente intervention sur la chaîne CBS l’ancien chef du Central Command, le général Frank McKenzie, en poste à l’époque dans la région avait expliqué que « même si l’Iran est certainement complice en dernier ressort, puisqu’il fournit les armes, l’entraînement, le financement et, dans certains cas, l’aide au ciblage, il est parfois difficile de retrouver la trace d’une attaque spécifique, en raison de la façon dont l’Iran a ingénieusement conçu son processus de commandement et de contrôle. »
Alors que les Etats-Unis clament à qui veut bien les entendre qu’ils cherchent à tout prix à éviter un conflit avec l’Iran, de son côté, la République islamique s’abstient de toute initiative qui porterait un coup dur aux Américains dans la région et à leur allié Israël en dépit de ses capacités reconnues en matière d’armement sophistiqué.
Même lors de l’attaque d’une base américaine en Irak, la mort n’a touché que trois soldats américains même si l’administration Biden a été contrainte de riposter sans grands dommages pour les miliciens de la Force al-Qods, la branche chargée des opérations spéciales du corps des gardiens de la révolution islamique dans la région.
Là encore, Washington qui a limité ses attaques a pris soin d’indiquer que les Etats-Unis ne souhaitent pas une confrontation avec l’Iran. « Les Etats-Unis ne cherchent pas le conflit au Moyen-Orient ou ailleurs dans le monde », a dit Joe Biden dans un communiqué.
L’Iran qui semble hanter les présidents américains reste pourtant le meilleur allié de l’Oncle Sam dans la région. En quarante-cinq ans de vie après la révolution iranienne, le régime islamique a rendu des services inestimables à l’administration américaine, à commencer par l’aide inestimable qui a permis la chute de Saddam Hussein, à l’Afghanistan en passant par le Liban.
A chaque fois que les Américains voulaient « punir » un pays ou un chef d’Etat récalcitrant (de préférence musulman) au Moyen-Orient, l’Iran était prêt à finir le sale boulot et à en tirer les fruits, comme ce qui s’était passé en 2003 quand les États-Unis ont donné les clés de Bagdad à la République islamique qui a pris le contrôle du pays après la chute de Saddam Hussein. Un changement de régime qui n’aurait pas été possible sans les complots d’opposants chiites irakiens pour la plupart réfugiés en Iran parce qu’ils avaient été violemment réprimés par Saddam Hussein.
A l’époque, George W. Bush avait signé un pacte secret avec l’Iran pour lui offrir le pouvoir en Irak, alors que les Américains faisaient déjà face à une énorme insurrection qui agitait ce pays.
On n’ira pas jusqu’à créditer la thèse d’une alliance secrète entre le puissant lobby juif iranien et les instances dirigeantes en Israël, mais le moins qu’on puisse dire, c’est que Téhéran joue un jeu trouble sur la scène proche-orientale, endossant « le costume du justicier de l’Islam » face à des régimes sunnites, complices des Israéliens.
Si à Téhéran, on continue de brûler rituellement des drapeaux américains et de crier « mort à Israël », la réalité est que la « supposée » guerre secrète entre Washington et Téhéran sert bien la rhétorique du régime des Mollahs pour sa consommation intérieure et pour l’extérieur, elle nourrit l’image d’une République islamique soucieuse des intérêts de la « Oumma ».
Quant à Israël qui reste le principal gagnant de ce jeu de dupes, l’Iran représente un épouvantail commode puisqu’un régime aux allures obscurantistes ne peut que conforter l’Occident dans sa fixation sur « un Etat hébreu, défenseur et garant des valeurs de l’Occident ». Ce qui fait de Téhéran un allié de taille de Tel Aviv dans sa guerre contre les arabes.